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HISTOIRE.

plus indiscrets qu’utiles. Mais que dire de ces compilateurs insolents qui, se faisant un mérite de médire, impriment et vendent des scandales comme la Voisin vendait des poisons ?

L’HISTOIRE SATIRIQUE.

Si Plutarque a repris Hérodote de n’avoir pas assez relevé la gloire de quelques villes grecques, et d’avoir omis plusieurs faits connus dignes de mémoire, combien sont plus répréhensibles aujourd’hui ceux qui, sans avoir aucun des mérites d’Hérodote, imputent aux princes, aux nations, des actions odieuses, sans la plus légère apparence de preuve ? La guerre de 1741 a été écrite en Angleterre. On trouve dans cette histoire qu’à la bataille de Fontenoy « les Français tirèrent sur les Anglais avec des balles empoisonnées et des morceaux de verre venimeux, et que le duc de Cumberland envoya au roi de France une boîte pleine de ces prétendus poisons trouvés dans les corps des Anglais blessés ». Le même auteur ajoute que les Français ayant perdu quarante mille hommes à cette bataille, le parlement de Paris rendit un arrêt par lequel il était défendu d’en parler sous des peines corporelles.

Les Mémoires frauduleux[1] imprimés depuis peu sous le nom de Mme de Maintenon sont remplis de pareilles absurdités. On y trouve qu’au siége de Lille les alliés jetaient des billets dans la ville conçus en ces termes : « Français, consolez-vous ; la Maintenon ne sera pas votre reine. »

Presque chaque page est souillée d’impostures et de termes offensants contre la famille royale et contre les familles principales du royaume, sans alléguer la plus légère vraisemblance qui puisse donner la moindre couleur à ces mensonges. Ce n’est point écrire l’histoire, c’est écrire au hasard des calomnies qui méritent le carcan.

On a imprimé en Hollande, sous le nom d’Histoire, une foule de libelles dont le style est aussi grossier que les injures, et les faits aussi faux qu’ils sont mal écrits. C’est, dit-on, un mauvais fruit de l’excellent arbre de la liberté. Mais si les malheureux auteurs de ces inepties ont eu la liberté de tromper les lecteurs, il faut user ici de la liberté de les détromper.

  1. Dans l’Encyclopédie, on lit : « Des Mémoires frauduleux imprimés depuis peu sont remplis, etc. » Les Mémoires de Mme de Maintenon avaient paru en 1755, et Voltaire écrivait en 1758. (B.)