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GOUVERNEMENT.

celles des sujets avec leurs souverains n’ont pas quelquefois été moins funestes : comment faut-il faire ? ou risquer, ou se cacher.

SECTION II[1].

Plus d’un peuple souhaite une constitution nouvelle : les Anglais voudraient changer de ministres tous les huit jours ; mais ils ne voudraient pas changer la forme de leur gouvernement.

Les Romains modernes sont tous fiers de l’église de Saint-Pierre et de leurs anciennes statues grecques ; mais le peuple voudrait être mieux nourri, mieux vêtu, dût-il être moins riche en bénédictions : les pères de famille souhaiteraient que l’Église eût moins d’or, et qu’il y eût plus de blé dans leurs greniers ; ils regrettent le temps où les apôtres allaient à pied, et où les citoyens romains voyageaient de palais en palais en litière.

On ne cesse de nous vanter les belles républiques de la Grèce : il est sûr que les Grecs aimeraient mieux le gouvernement des Périclès et des Démosthène que celui d’un bacha : mais dans leurs temps les plus florissants ils se plaignaient toujours ; la discorde, la haine, étaient au dehors entre toutes les villes, et au dedans dans chaque cité. Ils donnaient des lois aux anciens Romains qui n’en avaient pas encore ; mais les leurs étaient si mauvaises qu’ils les changèrent continuellement.

Quel gouvernement que celui où le juste Aristide était banni, Phocion mis à mort, Socrate condamné à la ciguë, après avoir été berné par Aristophane ; où l’on voit les Amphictyons livrer imbécilement la Grèce à Philippe parce que les Phocéens avaient labouré un champ qui était du domaine d’Apollon ! mais le gouvernement des monarchies voisines était pire.

Puffendorf promet d’examiner quelle est la meilleure forme de gouvernement : il vous dit[2] que « plusieurs prononcent en faveur de la monarchie, et d’autres, au contraire, se déchaînent furieusement contre les rois ; et qu’il est hors de son sujet d’examiner en détail les raisons de ces derniers ».

Si quelque lecteur malin attend ici qu’on lui en dise plus que Puffendorf, il se trompera beaucoup.

Un Suisse, un Hollandais, un noble Vénitien, un pair d’Angleterre, un cardinal, un comte de l’empire, disputaient un jour en voyage sur la préférence de leurs gouvernements ; personne

  1. Voyez la note 2 de la page 284.
  2. Livre VII, chapitre v. (Note de Voltaire.)