Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome19.djvu/102

Cette page a été validée par deux contributeurs.
92
FAVORI ET FAVORITE.

On dit : Il a été reçu en grâce ; on ne dit point : Il a été reçu en faveur, quoiqu’on dise être en faveur ; c’est que la faveur suppose un goût habituel, et que faire grâce, recevoir en grâce, c’est pardonner, c’est moins que donner sa faveur.

Obtenir grâce est l’effet d’un moment ; obtenir la faveur est l’effet du temps. Cependant on dit également : Faites-moi la grâce, faites-moi la faveur de recommander mon ami.

Des lettres de recommandation s’appelaient autrefois des lettres de faveur. Sévère dit dans la tragédie de Polyeucte (acte II, scène i) :

Car je voudrais mourir plutôt que d’abuser
Des lettres de faveur que j’ai pour l’épouser.

On a la faveur, la bienveillance, non la grâce du prince et du public. On obtient la faveur de son auditoire par la modestie ; mais il ne vous fait pas grâce si vous êtes trop long.

Les mois des gradués, avril et octobre, dans lesquels un collateur peut donner un bénéfice simple au gradué le moins ancien, sont des mois de faveur et de grâce.

Cette expression faveur signifiant une bienveillance gratuite qu’on cherche à obtenir du prince ou du public, la galanterie l’a étendue à la complaisance des femmes ; et quoiqu’on ne dise point : Il a eu des faveurs du roi, on dit : Il a eu les faveurs d’une dame.

L’équivalent de cette expression n’est point connu en Asie, où les femmes sont moins reines.

On appelait autrefois faveurs, des rubans, des gants, des boucles, des nœuds d’épée, donnés par une dame.

Le comte d’Essex portait à son chapeau un gant de la reine Élisabeth, qu’il appelait faveur de la reine.

Enfin l’ironie se servit de ce mot pour signifier les suites fâcheuses d’un commerce hasardé : faveurs de Vénus, faveurs cuisantes.


FAVORI ET FAVORITE[1].


De ce qu’on entend par ces mots.


Ces mots ont un sens tantôt plus resserré, tantôt plus étendu. Quelquefois favori emporte l’idée de puissance, quelquefois seulement il signifie un homme qui plaît à son maître.

  1. Encyclopédie, tome VI, 1764. (B.)