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CATÉCHISME DU JARDINIER.
KARPOS.

Eh ! comment alors pourrais-je vous être fidèle, puisque vous ne seriez plus mon bâcha ?

TUCTAN.

Et le serment que tu m’as fait, que deviendrait-il ?

KARPOS.

Il serait comme mes figues, vous n’en tâteriez plus. N’est-il pas vrai (sauf respect) que si vous étiez mort, à l’heure que je vous parle, je ne vous devrais plus rien ?

TUCTAN.

La supposition est incivile, mais la chose est vraie.

KARPOS.

Eh bien ! si vous étiez chassé, c’est comme si vous étiez mort : car vous auriez un successeur auquel il faudrait que je fisse un autre serment. Pourriez-vous exiger de moi une fidélité qui ne vous servirait à rien ? C’est comme si, ne pouvant manger de mes figues, vous vouliez m’empêcher de les vendre à d’autres.

TUCTAN.

Tu es un raisonneur : tu as donc des principes ?

KARPOS.

Oui, à ma façon ; ils sont en petit nombre, mais ils me suffisent ; et si j’en avais davantage, ils m’embarrasseraient.

TUCTAN.

Je serais curieux de savoir tes principes.

KARPOS.

C’est, par exemple, d’être bon mari, bon père, bon voisin, bon sujet, et bon jardinier ; je ne vais pas au delà, et j’espère que Dieu me fera miséricorde.

TUCTAN.

Et crois-tu qu’il me fera miséricorde, à moi, qui suis le gouverneur de ton île ?

KARPOS.

Et comment voulez-vous que je le sache ? Est-ce à moi à deviner comment Dieu en use avec les bâchas ? C’est une affaire entre vous et lui ; je ne m’en mêle en aucune sorte. Tout ce que j’imagine, c’est que si vous êtes un aussi honnête bâcha que je suis honnête jardinier, Dieu vous traitera fort bien.

TUCTAN.

Par Mahomet ! je suis fort content de cet idolâtre-là. Adieu, mon ami ; Alla vous ait en sa sainte garde !

KARPOS.

Grand merci. Théos ait pitié de vous, mon bâcha !