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ASTRONOMIE.


Je n’ai pas l’honneur d’être prince ; cependant le célèbre comte de Boulainvilliers, et un Italien nommé Colonne, qui avait beaucoup de réputation à Paris, me prédirent l’un et l’autre que je mourrais infailliblement à l’âge de trente-deux ans. J’ai eu la malice de les tromper déjà de près de trente années, de quoi je leur demande humblement pardon[1].


ASTRONOMIE,


ET QUELQUES RÉFLEXIONS SUR L’ASTROLOGIE.[2]


M. Duval[3] qui a été, si je ne me trompe, bibliothécaire de l’empereur François Ier, a rendu compte de la manière dont un pur instinct, dans son enfance, lui donna les premières idées d’astronomie. Il contemplait la lune, qui, en s’abaissant vers le couchant, semblait toucher aux derniers arbres d’un bois ; il ne douta pas qu’il ne la trouvât derrière ces arbres ; il y courut, et fut étonné de la voir au bout de l’horizon.

Les jours suivants, la curiosité le força de suivre le cours de cet astre, et il fut encore plus surpris de le voir se lever et se coucher à des heures différentes.

Les formes diverses qu’il prenait de semaine en semaine, sa disparition totale durant quelques nuits, augmentèrent son attention. Tout ce que pouvait faire un enfant était d’observer et d’admirer : c’était beaucoup ; il n’y en a pas un sur dix mille qui ait cette curiosité et cette persévérance.

Il étudia comme il put pendant une année entière, sans autre livre que le ciel, et sans autre maître que ses yeux. Il s’aperçut que les étoiles ne changeaient point entre elles de position. Mais le brillant de l’étoile de Vénus fixant ses regards, elle lui parut avoir un cours particulier à peu près comme la lune ; il l’observa toutes les nuits : elle disparut longtemps à ses yeux, et il la revit enfin devenue l’étoile du matin au lieu de l’étoile du soir.

La route du soleil, qui de mois en mois se levait et se couchait dans des endroits du ciel différents, ne lui échappa point ; il

  1. Lorsqu’il écrivait ces lignes en 1756, Voltaire avait en effet, ou allait avoir soixante-deux ans.
  2. Questions sur l’Encyclopédie, deuxième partie, 1770. (B.)
  3. Valentin Jameray, connu sous le nom de Duval, né à Artonay, village de Champagne, en 1693, mort à Vienne en Autriche, le 3 septembre 1775 ; voyez ses Œuvres publiées par Koch, 1784, deux volumes in-8o.