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ARISTOTE.



DE SA LOGIQUE.


La logique d’Aristote, son art de raisonner, est d’autant plus estimable qu’il avait affaire aux Grecs, qui s’exerçaient continuellement à des arguments captieux, et son maître Platon était moins exempt qu’un autre de ce défaut.

Voici, par exemple, l’argument par lequel Platon prouve dans le Phédon l’immortalité de l’âme.

« Ne dites-vous pas que la mort est le contraire de la vie ? — Oui. — Et qu’elles naissent l’une de l’autre ? — Oui. — Qu’est-ce donc qui naît du vivant ? — Le mort. — Et qui naît du mort ? — Le vivant. — C’est donc des morts que naissent toutes les choses vivantes. Par conséquent les âmes existent dans les enfers après la mort. »

Il fallait des règles sûres pour démêler cet épouvantable galimatias, par lequel la réputation de Platon fascinait les esprits.

Il était nécessaire de démontrer que Platon donnait un sens louche à toutes ses paroles.

Le mort ne naît point du vivant ; mais l’homme vivant a cessé d’être en vie.

Le vivant ne naît point du mort ; mais il est né d’un homme en vie qui est mort depuis.

Par conséquent, votre conclusion, que toutes les choses vivantes naissent des mortes, est ridicule. De cette conclusion vous en tirez une autre qui n’est nullement renfermée dans les prémisses. « Donc les âmes sont dans les enfers après la mort, »

Il faudrait avoir prouvé auparavant que les corps morts sont dans les enfers, et que l’âme accompagne les corps morts.

Il n’y a pas un mot dans votre argument qui ait la moindre justesse. Il fallait dire : Ce qui pense est sans parties, ce qui est sans parties et indestructible : donc ce qui pense en nous, étant sans parties, est indestructible.

Ou bien : Le corps meurt parce qu’il est divisible ; l’âme n’est point divisible, donc elle ne meurt pas. Alors du moins on vous aurait entendu.

Il en est de même de tous les raisonnements captieux des Grecs. Un maître enseigne la rhétorique à son disciple, à condition que le disciple le payera à la première cause qu’il aura gagnée.

Le disciple prétend ne le payer jamais. Il intente un procès à son maître : il lui dit : Je ne vous devrai jamais rien ; car si je