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ARISTÉE.

rent, ils réussirent : mais à la longue, comme leur religion était dépouillée de presque tous les mystères, et plutôt une secte philosophique paisible qu’une secte militante, ils furent abandonnés ; les jésuites, qui avaient plus de crédit qu’eux, les poursuivirent et les dispersèrent.

Ce qui reste de cette secte en Pologne, en Allemagne, en Hollande, se tient caché et tranquille. La secte a reparu en Angleterre avec plus de force et d’éclat. Le grand Newton et Locke l’embrassèrent ; Samuel Clarke, célèbre curé de Saint-James, auteur d’un si bon livre sur l’existence de Dieu, se déclara hautement arien ; et ses disciples sont très-nombreux. Il n’allait jamais à sa paroisse le jour qu’on y récitait le symbole de saint Athanase. On pourra voir dans le cours de cet ouvrage les subtilités que tous ces opiniâtres, plus philosophes que chrétiens, opposent à la pureté de la foi catholique.

Quoiqu’il y eût un grand troupeau d’ariens à Londres parmi les théologiens, les grandes vérités mathématiques découvertes par Newton et la sagesse métaphysique de Locke ont plus occupé les esprits. Les disputes sur la consubstantialité ont paru très-fades aux philosophes. Il est arrivé à Newton en Angleterre la même chose qu’à Corneille en France : on oublia Pertharite, Théodore, et son recueil de vers ; on ne pensa qu’à Cinna. Newton fut regardé comme l’interprète de Dieu dans le calcul des fluxions, dans les lois de la gravitation, dans la nature de la lumière. Il fut porté à sa mort par les pairs et le chancelier du royaume près des tombeaux des rois, et plus révéré qu’eux. Servet, qui découvrit, dit-on, la circulation du sang, avait été brûlé à petit feu dans une petite ville des Allobroges, maîtrisée par un théologien de Picardie.


ARISTÉE[1].


Quoi ! l’on voudra toujours tromper les hommes sur les choses les plus indifférentes comme sur les plus sérieuses ! Un prétendu Aristée veut faire croire qu’il a fait traduire l’Ancien Testament en grec, pour l’usage de Ptolémée Philadelphe, comme le duc de Montausier a réellement fait commenter les meilleurs auteurs latins à l’usage du dauphin, qui n’en faisait aucun usage.

Si on en croit cet Aristée, Ptolémée brûlait d’envie de con-

  1. Questions sur l’Encyclopédie, deuxième partie, 1770. (B.)