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APPARENCE.

point d’heures marquées pour s’assembler, nulle cérémonie. Les disciples baptisaient les catéchumènes ; on leur soufflait dans la bouche pour y faire entrer l’Esprit saint avec le souffle[1], ainsi que Jésus-Christ avait soufflé sur les apôtres, ainsi qu’on souffle encore aujourd’hui, en plusieurs églises, dans la bouche d’un enfant quand on lui administre le baptême. Tels furent les commencements du christianisme. Tout se faisait par inspiration, par enthousiasme, comme chez les thérapeutes et chez les judaïtes, s’il est permis de comparer un moment des sociétés judaïques, devenues réprouvées, à des sociétés conduites par Jésus-Christ même, du haut du ciel, où il était assis à la droite de son père.

Le temps amena des changements nécessaires ; l’Église, s’étant étendue, fortifiée, enrichie, eut besoin de nouvelles lois.


APPARENCE[2].


Toutes les apparences sont-elles trompeuses ? Nos sens ne nous ont-ils été donnés que pour nous faire une illusion continuelle ? Tout est-il erreur ? Vivons-nous dans un songe, entourés d’ombres chimériques ?

Vous voyez le soleil se coucher à l’horizon quand il est déjà dessous. Il n’est pas encore levé, et vous le voyez paraître. Cette tour carrée vous semble ronde. Ce bâton enfoncé dans l’eau vous semble courbé.

Vous regardez votre image dans un miroir, il vous la représente derrière lui ; elle n’est ni derrière, ni devant. Cette glace, qui au toucher et à la vue est si lisse et si unie, n’est qu’un amas inégal d’aspérités et de cavités. La peau la plus fine et la plus blanche n’est qu’un réseau hérissé, dont les ouvertures sont incomparablement plus larges que le tissu, et qui renferment un nombre infini de petits crins. Des liqueurs passent sans cesse sous ce réseau, et il en sort des exhalaisons continuelles qui couvrent toute cette surface. Ce que vous appelez grand est très-petit pour un éléphant, et ce que vous appelez petit est un monde pour des insectes.

Le même mouvement qui serait rapide pour une tortue serait très-lent aux yeux d’un aigle. Ce rocher, qui est impénétrable au

  1. Jean, chapitre xx. vers. 22. (Note de Voltaire.)
  2. Questions sur l’Encyclopédie, seconde partie, 1770. (B.)