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APOSTAT.



DES GLOBES DE FEU


qu’on a prétendu être sortis de terre pour empêcher la réédification
du temple de Jérusalem, sous l’empereur Julien
.


Il est très-vraisemblable que lorsque Julien résolut de porter la guerre en Perse, il eut besoin d’argent ; très-vraisemblable encore que les Juifs lui en donnèrent pour obtenir la permission de rebâtir leur temple[1], détruit en partie par Titus, et dont il restait les fondements, une muraille entière et la tour Antonia. Mais est-il si vraisemblable que des globes de feu s’élançassent sur les ouvrages et sur les ouvriers, et fissent discontinuer l’entreprise ?

N’y a-t-il pas une contradiction palpable dans ce que les historiens racontent ?

1° Comment se peut-il faire que les Juifs commençassent par détruire (comme on le dit) les fondements du temple, qu’ils voulaient et qu’ils devaient rebâtir à la même place ? Le temple devait être nécessairement sur la montagne Moria. C’était là que Salomon l’avait élevé ; c’était là qu’Hérode l’avait rebâti avec beaucoup plus de solidité et de magnificence, après avoir préalablement élevé un beau théâtre dans Jérusalem, et un temple à Auguste dans Césarée. Les pierres employées à la fondation de ce temple, agrandi par Hérode, avaient jusqu’à vingt-cinq pieds de longueur, au rapport de Josèphe. Serait-il possible que les Juifs eussent été assez insensés, du temps de Julien, pour vouloir déranger ces pierres, qui étaient si bien préparées à recevoir le reste de l’édifice, et sur lesquelles on a vu depuis les mahométans bâtir leur mosquée ? Quel homme fut jamais assez fou, assez stupide pour se priver ainsi à grands frais, et avec une peine extrême, du plus grand avantage qu’il pût rencontrer sous ses yeux et sous ses mains ? Rien n’est plus incroyable.

2° Comment des éruptions de flammes seraient-elles sorties du sein de ces pierres ? Il se pourrait qu’il fût arrivé un tremblement de terre dans le voisinage ; ils sont fréquents en Syrie ; mais

  1. Omar, ayant pris Jérusalem, y fit bâtir une mosquée sur les fondements mêmes du temple d’Hérode et de Salomon ; et ce nouveau temple fut consacré au même Dieu que Salomon avait adoré avant qu’il fût idolâtre, au Dieu d’Abraham et de Jacob, que Jésus-Christ avait adoré quand il fut à Jérusalem, et que les musulmans reconnaissent. Ce temple subsiste encore : il ne fut jamais entièrement démoli ; mais il n’est permis ni aux juifs ni aux chrétiens d’y entrer ; ils n’y entreront que quand les Turcs en seront chassés. (Note de Voltaire.)