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AGRICULTURE.

L’Encyclopédie, à l’article Grain, rapporte ces paroles d’un livre intitulé Avantages et Désavantages de la Grande-Bretagne, ouvrage bien supérieur à tous ceux que nous venons de citer[1] :

« Si l’on parcourt quelques-unes des provinces de la France, on trouve que non seulement plusieurs de ses terres restent en friche, qui pourraient produire des blés et nourrir des bestiaux, mais que les terres cultivées ne rendent pas, à beaucoup près, à proportion de leur bonté, parce que le laboureur manque de moyens pour les mettre en valeur...

« Ce n’est pas sans une joie sensible que j’ai remarqué dans le gouvernement de France un vice dont les conséquences sont si étendues, et j’en ai félicité ma patrie ; mais je n’ai pu m’empêcher de sentir en même temps combien formidable serait devenue cette puissance si elle eût profité des avantages que ses possessions et ses hommes lui offraient, O sua si bona norint[2] ! »

J’ignore si ce livre n’est pas d’un Français qui, en faisant parler un Anglais, a cru lui devoir faire bénir Dieu de ce que les Français lui paraissent pauvres, mais qui en même temps se trahit lui-même en souhaitant qu’ils soient riches, et en s’écriant avec Virgile : « Ô s’ils connaissaient leurs biens ! » Mais soit Français, soit Anglais, il est faux que les terres en France ne rendent pas à proportion de leur bonté. On s’accoutume trop à conclure du particulier au général. Si on en croyait beaucoup de nos livres nouveaux, la France ne serait pas plus fertile que la Sardaigne et les petits cantons suisses.


DE L’EXPORTATION DES GRAINS.


Le même article Grain[3] porte encore cette réflexion : « Les Anglais essuyaient souvent de grandes chertés dont nous profitions par la liberté du commerce de nos grains, sous le règne de Henri IV et de Louis XIII, et dans les premiers temps du règne de Louis XIV. »

Mais malheureusement la sortie des grains fut défendue en 1598, sous Henri IV. La défense continua sous Louis XIII et

  1. Voici le titre de cet ouvrage : Remarques sur les avantages et désavantages de la France et de la Grande-Bretagne, par rapport au commerce et aux autres sources de la puissance de l’État ; traduction de l’anglais du chevalier John Nichols (par Dangeul) ; 1754, in-12.
  2. Virgile,Géorg., II, 458.
  3. Note e.