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CHAPITRE XXVII.


Ce qui rendait le parlement difficile était la manière un peu dure dont le chancelier s’était exprimé devant l’assemblée des notables, convoquée à Moulins pour y publier ces lois. Elle était formée de tous les princes du sang, de tous les grands officiers du royaume, et de plusieurs évêques. On avait appelé à ce conseil le premier président du parlement de Paris, Christophe de Thou, et Pierre Séguier, président : Jean Daffis, premier président du Parlement de Toulouse : Jacques-Benoît de Largebaston, de celui de Bordeaux ; Jean Truchon, de celui de Grenoble ; Louis Le Fèvre, de celui de Dijon ; et Henri Fourneau, président au parlement d’Aix.

L’Hospital commença sa harangue en disant que presque tous les maux de l’État avaient leur origine dans la mauvaise administration de la justice ; qu’on avait trop souffert que des juges résignassent leurs offices à des hommes incapables ; qu’il fallait diminuer le nombre inutile des conseillers, supprimer les épices, et soumettre les juges à la censure. Il parla bien plus fortement dans le lit de justice que le roi tint à Bordeaux dans ce voyage.

« Messieurs, dit-il, le roi a trouvé beaucoup de fautes en ce parlement, lequel étant comme plus dernièrement institué, car il y a cent et deux ans, vous avez moindre excuse de vous départir des anciennes ordonnances, et toutefois vous êtes aussi débauchés que les vieux, par aventure pis…. Enfin voici une maison mal réglée, La première faute que je vous vois commettre, c’est de ne garder les ordonnances, en quoi vous désobéissez au roi. Si vous avez des remontrances à lui faire, faites-les, et connaîtrez après sa dernière volonté. C’est votre faute aussi à vous, présidents et gens du roi, qui devez requérir l’observation des lois ; mais vous cuidez être plus sages que le roi, et estimez tant vos arrêts que les mettez pardessus les ordonnances, que vous interprétez comme il vous plaît. J’ai cet honneur de lui être chef de justice ; mais je serais bien marri de lui faire une interprétation de ses ordonnances de moi-même, et sans lui communiquer.

« On vous accuse de beaucoup de violences ; vous menacez les gens de vos jugements, et plusieurs sont scandalisés de la manière dont faites vos affaires, et surtout vos mariages ; quand on sait quelque riche héritière, quant et quant c’est pour monsieur le conseiller, et on passe outre…

« Il y en a entre vous lesquels pendant ces troubles se sont faits capitaines, les autres commissaires des vivres… Vous baillez même votre argent à intérêt aux marchands, et ceux-là devraient laisser leur robe, et se faire marchands. D’ambition, vous en êtes