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DE LA CONJURATION D’AMBOISE.


-t-on de la régence ; on y confirma seulement au roi de Navarre la lieutenance générale du royaume, titre donné trois fois auparavant à François duc de Guise.

La reine ne prit point le nom de régente, soit qu’elle crût que le nom de reine, mère du roi, dût lui suffire, soit qu’elle voulût éviter des formalités : elle ne voulait que l’essentiel du pouvoir. Les états mêmes ne lui donnèrent point le titre de majesté ; les rois alors le prenaient rarement. Nous avons encore beaucoup de lettres de ce temps-là où l’on dit à Charles IX et à Henri III : votre altesse. La variété et l’inconstance s’étendent sur les noms et sur les choses.

Catherine de Médicis était intéressée à rabaisser les Guises, qui l’avaient humiliée du temps de François II, et dans cette idée elle favorisa d’abord les calvinistes. Le roi de Navarre l’était, mais il craignait toujours d’agir. Le connétable de Montmorency, l’homme le plus ignorant de la cour, et qui à peine savait signer son nom, fut longtemps indécis ; mais sa femme, Magdeleine de Savoie, aussi bigote que son mari était ignorant, l’emporta sur les Coligny, et détermina son mari à s’unir avec le duc de Guise. Le maréchal de Saint-André se joignit à eux, et on donna à cette union le nom de triumvirat, parce qu’on aime toujours à comparer les petites choses aux grandes. Saint-André était en tout fort au-dessous de François de Guise et de Montmorency ; il était le Lépide de ce triumvirat, d’ailleurs plus connu par ses débauches et par ses rapines que par ses actions.

Ce fut là le premier signal des divisions au milieu des états d’Orléans. La reine mère envoya d’abord un ordre, au nom du roi son fils, à tous les gouverneurs de provinces, de pacifier autant qu’ils le pourraient les troubles de religion. Cette déclaration défendait aux peuples de se servir des noms odieux de huguenots et de papistes. Elle rendait la liberté à tous les prisonniers pour cause de religion ; elle rappelait ceux que la crainte avait fait retirer hors du royaume depuis le temps de François Ier. Rien n’était plus capable de ramener la paix, si les hommes eussent écouté la raison.

Le parlement de Paris, après beaucoup de débats, fit des remontrances. Il allégua que cette ordonnance[1] devait être adressée au parlement du royaume, et non aux gouverneurs des pro-

  1. La première édition porte, entre parenthèses, ces mots : (Célèbre édit de juillet 1561), et qui sont dans toutes les éditions que j’ai vues, données du vivant de l’auteur. (B.)