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CHAPITRE IX.


que ces six pairs ecclésiastiques furent les seuls de leur ordre qui eurent le nom de pairs depuis Louis le Jeune, par la seule raison que, sous ce prince, ils étaient les seuls évêques qui tinssent de grands fiefs immédiatement de la couronne.

Il n’y eut longtemps rien de réglé ni de certain sur la manière de procéder dans les jugements concernant les grandes pairies ; mais l’ancien usage était qu’un prince pair ne fût jugé que par ses pairs. Le roi pouvait convoquer les pairs du royaume où il voulait, tantôt dans une ville, tantôt dans une autre, dans sa propre maison, dans celle d’un autre pair, dans la chambre où s’assemblaient les conseillers-jugeurs du parlement, dans une église, en un mot dans quelque lieu que le roi voulût choisir.

C’était ainsi qu’en usaient les rois d’Angleterre, imitateurs et conservateurs des usages de France ; ils assemblaient les pairs d’Angleterre où ils voulaient. Philippe de Valois les convoqua d’abord dans Paris, en 1341, pour décider de la grande querelle entre Charles de Blois et Jean de Montfort, qui se disputaient le duché de Bretagne. Philippe de Valois, qui favorisait Charles de Blois, fit d’abord, pour la forme, examiner la cause par des pairs, des prélats, quelques conseillers-chevaliers, et quelques conseillers-clercs ; et l’arrêt fut rendu à Conflans, dans une maison de campagne, par le roi, les pairs, les hauts-barons, les grands-officiers, assistés de conseillers-chevaliers, et de conseillers-clercs.

Le roi Charles V, qui répara par sa politique les malheurs que les guerres avaient causés à la France, fit ajourner à sa cour des pairs, en 1368, le 26 janvier, ce grand prince de Galles, surnommé le prince Noir, vainqueur de son père et de son aïeul, de Henri de Transtamare, depuis roi de Castille, et enfin de Bertrand du Guesclin. il prit le temps où ce héros commençait à être attaqué de la maladie dont il mourut, pour lui ordonner de venir répondre devant lui comme devant son seigneur suzerain. Il est bien vrai qu’il ne l’était pas. La Guienne avait été cédée au roi d’Angleterre Édouard III, en toute propriété et souveraineté absolue, par le traité de Bretigny. Édouard l’avait donnée au prince Noir son fils, pour prix de son courage et de ses victoires.

Charles V lui écrivit ces propres mots : « De notre majesté royale et seigneurie, nous vous commandons que viengniez en notre cité de Paris en propre personne, et vous montriez et présentiez devant nous en notre chambre des pers, pour ouïr droit sur lesdites complaintes et griefs émeus par vous, à faire sur votre peuple qui clame à avoir et ouïr ressort en notre cour. »

Ce mandement fut porté, non par un huissier du parlement