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conquête de Mastricht. On réserva cette entreprise pour l’année suivante 1748. La paix est dans Mastricht, disait le maréchal de Saxe.

La campagne fut ouverte par les préparatifs de ce siège important. Il fallait faire la même chose à peu près que lorsqu’on avait assiégé Namur : s’ouvrir et s’assurer tous les passages, forcer une armée entière à se retirer, et la mettre dans l’impuissance d’agir. Ce fut la plus savante manœuvre de toute cette guerre. On ne pouvait venir à bout de cette entreprise sans donner le change aux ennemis. Il était à la fois nécessaire de les tromper et de laisser ignorer son secret à ses propres troupes. Les marches devaient être tellement combinées que chaque marche abusât l’ennemi, et que toutes réussissent à point nommé. MM. de Crémilles et de Beauteville, qui connaissaient un projet formé l’année précédente pour surprendre quelques quartiers, proposèrent au maréchal de Saxe de s’en servir pour l’envahissement de Mastricht. À peine avaient-ils commencé de lui en tracer le plan que le maréchal le saisit, et l’acheva.

(5 avril 1748) On fait croire d’abord aux ennemis qu’on en veut à Bréda. Le maréchal va lui-même conduire un grand convoi à Berg-op-Zoom, à la tête de vingt-cinq mille hommes, et semble tourner le dos à Mastricht. Une autre division marche en même temps à Tirlemont, sur le chemin de Liège ; une autre est à Tongres, une autre menace Luxembourg, et toutes enfin marchent vers Mastricht, à droite et à gauche de la Meuse.

Les alliés, séparés en plusieurs corps, ne voient le dessein du maréchal que quand il n’est plus temps de s’y opposer. (13 avril) La ville se trouve investie des deux côtés de la rivière ; nul secours n’y peut plus entrer[1]. Les ennemis, au nombre de près de quatre-vingt mille hommes, sont à Mazeick, à Ruremonde. Le duc de Cumberland ne peut plus qu’être témoin de la prise de Mastricht.

Pour arrêter cette supériorité constante des Français, les Autrichiens, les Anglais, et les Hollandais, attendaient trente-cinq mille Russes, au lieu de cinquante mille sur lesquels ils avaient d’abord compté. Ce secours venu de si loin arrivait enfin. Les Russes étaient déjà dans la Franconie. C’étaient des hommes in-

  1. Après la prise de Berg-op-Zoom, on était convenu d’ouvrir un congrès à Aix-la-Chapelle. La nouvelle de l’investissement de Maestricht causa une vive impression au plénipotentiaire anglais, qui, de concert avec l’ambassadeur hollandais, remit au plénipotentiaire de France un projet de paix qui parut acceptable. (G. A.)