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SUPPLÉMENT AU SIÈCLE DE LOUIS XIV.

le respect de l’instruire, et de lui présenter les autorités sur lesquelles les plus importantes et les plus curieuses vérités de cet essai historique sont fondées, on prendra occasion des bévues de La Beaumelle pour dire ici des choses utiles. Ce qu’il y a de plus vil peut servir à quelques usages.

On parlera d’abord du célèbre testament du roi d’Espagne Charles II. Il s’agit de prouver que la cour de Versailles n’y eut pas la moindre part, et qu’elle n’avait jamais songé à la succession entière de cette monarchie. L’auteur du Siècle cite M. le marquis de Torcy, alors ministre en France. Il atteste le témoignage authentique de ce secrétaire d’État ; un La Beaumelle nie ce témoignage ! il demande où il est ! On répond, non à lui, mais à tous les lecteurs, que ce témoignage se trouve dans les Mémoires manuscrits[1] de M. de Torcy, lesquels sont entre les mains de sa famille. On ne les confiera pas à La Beaumelle, sans doute[2] ; mais ce manuscrit est assez connu. Un autre témoignage du marquis de Torcy se trouve encore écrit de sa main à la marge de l’histoire italienne de Louis XIV, par le comte Ottieri[3], imprimée à Rome, et de laquelle La Beaumelle n’a jamais entendu parler. Cet ouvrage est extrêmement rare. Le cardinal de Polignac, étant à Rome, eut le crédit de le faire supprimer. M. de Voltaire procura la lecture de son exemplaire à M. le marquis de Torcy. Ottieri, comme tous les autres historiens, imputait à Louis XIV le dessein de rompre le traité de partage, et de faire tomber dans sa maison toute la monarchie d’Espagne. M. de Torcy réfute en peu de mots cette erreur si accréditée, et dit expressément que Louis XIV n’y a jamais pensé. Ce volume du comte Ottieri, précieux par sa rareté, et plus encore par la note du marquis de Torcy, a été donné par M. de Voltaire à M. le maréchal de Richelieu, qui le conserve dans sa bibliothèque.

  1. Ils ont été imprimés ; voyez tome XIV, la note 3 de la page 55.
  2. À ce propos, La Beaumelle s’écrie : « J’ai un manuscrit assez précieux que l’on m’a confié. » Et il ajoute qu’il ne le publiera pas avant la mort de Voltaire, que celui-ci peut donc être tranquille. Cette déclaration semble une menace qui éclaire un point d’histoire littéraire, car il s’agit là, sans aucun doute, de la Pucelle. (G. A.)
  3. Istoria delle guerre avvenute in Europa et particolarmente in Italia, por la successione alla monarchia delle Spagne, dall’ anno 1696 all’ anno 1725, dal conte e marchese Francesco Maria Ottieri ; Rome, 1728 et années suivantes, huit volumes in-4o. On lit dans la Méthode pour étudier l’histoire (qui ne donne que deux volumes à l’ouvrage, page 414 du tome XI de l’édition de 1772), que l’auteur étant mort en 1742, ce fut son fils qui publia le second volume en 1753. Le tome II est daté de 1752 ; le tome III de 1753, etc. (B.)