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DU SIÈCLE DE LOUIS XIV.

Concupiscet rex decorem tuum[1] ; et des Mémoires de la comtesse des Barres. Cette comtesse des Barres, c’était lui-même. Il s’habilla et vécut en femme plusieurs années. Il acheta, sous le nom de la comtesse des Barres, une terre auprès de Tours. Ces Mémoires racontent avec naïveté comment il eut impunément des maîtresses sous ce déguisement. Mais quand le roi fut devenu dévot, il écrivit l’histoire de l’Église. Dans ses Mémoires[2] sur la cour on trouve des choses vraies, quelques-unes fausses, et beaucoup de hasardées ; ils sont écrits dans un style trop familier. Mort en 1724.

Claude (Jean), né en Agénois en 1619, ministre de Charenton, et l’oracle de son parti, émule digne des Bossuet, des Arnauld, et des Nicole. Il a composé quinze ouvrages, qu’on lut avec avidité dans le temps des disputes. Presque tous les livres polémiques n’ont qu’un temps. Les fables de La Fontaine, l’Arioste, passeront à la dernière postérité. Cinq ou six mille volumes de controverse sont déjà oubliés. Mort à la Haye en 1687.

Colbert (Jean-Baptiste), marquis de Torcy, neveu du grand Colbert, ministre d’État sous Louis XIV, a laissé des Mémoires depuis la paix de Risvick jusqu’à celle d’Utrecht : ils ont été imprimés pendant qu’on achevait l’édition de cet Essai sur le Siècle de Louis XIV[3]. Ils confirment tout ce qu’on y avance. Ces Mémoires renferment des détails qui ne conviennent qu’à ceux qui veulent s’instruire à fond : ils sont écrits plus purement que tous les Mémoires de ses prédécesseurs ; on y reconnaît le goût de la cour de Louis XIV. Mais leur plus grand prix est dans la sincérité de l’auteur : c’est la vérité, c’est la modération elle-même, qui ont conduit sa plume. Mort en 1746.

Collet (Philibert), né à Châtillon-les-Dombes en 1643, jurisconsulte et homme libre. Excommunié par l’archevêque de Lyon

  1. Ce n’est pas à Mme de Maintenon, c’est à Louis XIV que Choisy dédia sa Traduction de l’Imitation. La première édition de 1692 est la seule qui contienne la dédicace. Elle a aussi (ainsi que les deuxième et troisième, qui sont de 1692 et 1694), en tête du second livre, une figure dans laquelle on peut reconnaître Mme de Maintenon ; mais au bas on ne lit que ces deux mots : Audi, filia. Amelot de la Houssaye, dans ses Mémoires historiques, au lieu de citer ces deux mots du verset 2 du psaume xliv, cite le verset entier et les mots du verset 12 : Concupiscet rex decorem tuum, qu’on a ensuite seuls cités. La figure ne se trouve plus dans la quatrième édition. (B.)
  2. 1727, trois volumes in- 12, publiés par Camusat.
  3. Cet article est de 1756. Le Catalogue des écrivains était alors à la fin de l’ouvrage de Voltaire. Les Mémoires de Torcy ont paru en 1756, trois volumes in-12. (B.)