Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome14.djvu/557

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
537
DES SCIENCES.

Sous lui les journaux s’établissent[1]. On n’ignore pas que le Journal des Savants, qui commença en 1665, est le père de tous les ouvrages de ce genre, dont l’Europe est aujourd’hui remplie, et dans lesquels trop d’abus se sont glissés, comme dans les choses les plus utiles.

L’Académie des belles-lettres, formée d’abord, en 1663, de quelques membres de l’Académie française, pour transmettre à la postérité, par des médailles, les actions de Louis XIV, devint utile au public dès qu’elle ne fut plus uniquement occupée du monarque, et qu’elle s’appliqua aux recherches de l’antiquité, et à une critique judicieuse des opinions et des faits. Elle fit à peu près dans l’histoire ce que l’Académie des sciences faisait dans la physique : elle dissipa des erreurs.

L’esprit de sagesse et de critique, qui se communiquait de proche en proche, détruisit insensiblement beaucoup de superstitions. C’est à cette raison naissante qu’on dut la déclaration du roi de 1672, qui défendit aux tribunaux d’admettre les simples accusations de sorcellerie. On ne l’eût pas osé sous Henri IV et sous Louis XIII ; et si, depuis 1672, il y a eu encore des accusations de maléfices, les juges n’ont condamné, d’ordinaire, les accusés que comme des profanateurs, qui d’ailleurs employaient le poison[2].

    civil formant un système régulier, et dont toutes les décisions soient des conséquences de principes liés entre eux. Partout le droit civil est un mélange des lois romaines, des codes des nations barbares, de coutumes locales, et de lois naturelles, où ces quatre sources de décisions dominent plus ou moins. Aucune grande nation n’a même un code criminel. Les usages et la collection de lois faites successivement, et dans un esprit souvent opposé, forment la jurisprudence criminelle de toute l’Europe. Peut-être le moment approche-t-il où les peuples auront enfin de véritables lois : du moins les hommes éclairés, et en état de concevoir et d’exécuter ce grand ouvrage, ne manqueraient point aux souverains qui voudraient l’entreprendre. (K.) — L’uniformité des lois en France est un des bienfaits de la Révolution. Le Code civil actuel est de 1807 ; il est bien au-dessus de l’ordonnance de 1667 ; le Code criminel, de 1808, et le Code pénal, de 1810, sont l’objet de nombreuses observations, et seront certainement bientôt adoucis, mais ne sont point aussi inhumains que l’ordonnance de 1670. (B.)

  1. La Gazette de France date de 1631.
  2. En 1609, six cents sorciers furent condamnés, dans le ressort du parlement de Bordeaux, et la plupart brûlés. Nicolas Rémi, dans sa Démonolâtrie, rapporte neuf cents arrêts rendus en quinze ans contre des sorciers dans la seule Lorraine. Le fameux curé Louis Gauffridi, brûlé à Aix, en 1611, avait avoué qu’il était sorcier, et les juges l’avaient cru.

    C’est une chose honteuse que le P. Lebrun, dans son Traité des pratiques superstitieuses, admette encore de vrais sortilèges : il va même jusqu’à dire, page 524, que « le parlement de Paris reconnaît des sortilèges » ; il se trompe : « le parlement reconnaît des profanations, des maléfices, mais non des effets sur-