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ANNALES DE L’EMPIRE.

s’occupait à fixer le mercure, dans Prague. L’archiduc Léopold, chassé de Juliers avec son armée mal payée, va en Bohême la faire subsister de pillage. Il y usurpe toute l’autorité de l’empereur, qui se voit dépouillé de tous côtés par les princes de son sang. Mathias, qui avait déjà forcé son frère à lui céder tant d’États, ne veut pas qu’un autre que lui dépouille le chef de sa maison. Il vient à Prague avec des troupes, et y force son frère à prier les états de le couronner par excès d’affection fraternelle.

Mathias est sacré roi de Bohême le 21 mai ; il ne reste à Rodolphe que le titre de roi, aussi vain pour lui que celui d’empereur.

1612. Rodolphe meurt le 20 janvier, à compter selon le nouveau calendrier. Il n’avait jamais voulu se marier. Sa maison, dont on avait tant craint la vaste puissance, n’eut presque aucune considération de son temps en Europe, depuis le commencement du xviie siècle. Sa nonchalance et la faiblesse de Philippe III en Espagne en furent la cause. Rodolphe avait perdu ses États, et conservé de l’argent comptant. On prétend qu’on trouva dans son épargne quatorze millions d’écus. Cela découvre une âme petite. Avec ces quatorze millions et du courage, il eût pu reprendre Bude sur les Turcs, et rendre l’empire respectable ; mais son caractère le fit vivre en homme privé sur le trône, et il fut plus heureux que ceux qui le dépouillèrent et le méprisèrent.



MATHIAS,
quarantième-cinquième empereur.

1612. Mathias, frère de Rodolphe, est élu unanimement, et cette unanimité surprend l’Europe. Mais les trésors de son frère l’avaient enrichi, et le voisinage des Turcs rendait nécessaire l’élection d’un prince de la maison d’Autriche, roi de Hongrie.

La capitulation de Charles-Quint n’avait point jusque-là été augmentée. Elle le fut de quelques articles pour Mathias, dont l’ambition s’était assez manifestée.

La Hongrie et la Transylvanie étaient toujours dans le même état. L’empereur avait peu de terrain par delà Presbourg, et le nouveau prince de Transylvanie, Gabriel Rattori, était vassal du sultan.

1613. Ces deux grandes ligues, la protestante et la catholique,