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CHAPITRE CLXXII.

Le pape Paul III, ne pouvant plus espérer que l’empereur donnât le Milanais à son bâtard, voulait lui donner l’investiture de Parme et de Plaisance, et croyait avoir besoin du secours de François Ier. Pour intimider l’empereur, pressé à la fois par les Turcs et par les protestants, il menace Charles V du sort de Dathan, Coré, et Abiron, s’il s’oppose à l’investiture de Parme, ajoutant que « les Juifs sont dispersés pour avoir supplicié le maître, et que les Grecs sont asservis pour avoir bravé le vicaire». Mais il ne fallait pas que les vicaires de Dieu eussent tant de bâtards.

Après bien des intrigues, l’empereur et le pape se réconcilient. Charles permet que le bâtard du pape règne à Parme, et Paul envoie trois légats pour ouvrir à Trente le concile qu’il doit diriger à Rome. Ces légats ont un chiffre avec le pape : c’était une invention alors très-peu commune, et dont les Italiens se servirent les premiers.

Les légats et l’archevêque de Trente commencent par accorder trois ans et cent soixante jours de délivrance du purgatoire à quiconque se trouvera dans la ville à l’ouverture du concile.

(1545) Le pape défend par une bulle qu’aucun prélat comparaisse par procureur ; et aussitôt les procureurs de l’archevêque de Mayence arrivent, et sont bien reçus. Cette loi ne regardait pas les évêques princes d’Allemagne, qu’on avait tant intérêt de ménager.

Paul III investit enfin son fils Pierre-Louis Farnèse du duché de Parme et Plaisance, avec la connivence de Charles-Quint, et publie un jubilé.

Le concile s’ouvre par le sermon de l’évêque de Bitonto. Ce prélat prouve qu’un concile était nécessaire : premièrement, « parce que plusieurs conciles ont déposé des rois et des empereurs ; secondement, parce que, dans l’Énéide, Jupiter assembla le conseil des dieux. Il dit qu’à la création de l’homme et à la tour de Babel, Dieu s’y prit en forme de concile, et que tous les prélats doivent se rendre à Trente, comme dans le cheval de Troie ; enfin, que la porte du concile et du paradis est la même : l’eau vive en découle, les pères doivent en arroser leurs cœurs comme des terres sèches ; faute de quoi le Saint-Esprit leur ouvrira la bouche comme à Balaam et à Caïphe ».

Un tel discours semble réfuter ce que nous avons dit de la renaissance des lettres en Italie ; mais cet évêque de Bitonto était un moine du Milanais. Un Florentin, un Romain, un élève des Bembo et des Casa, n’eût point parlé ainsi. Il faut songer que le