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PROGRÈS DU LUTHÉRANISME.

regardée à Rome comme un membre séparé sur bien des articles : comme sur la supériorité des conciles, sur la faillibilité du premier pontife, sur quelques droits de l’épiscopat, sur le pouvoir des légats, sur la nomination aux bénéfices, sur les tributs que Rome exigeait.

La grande société chrétienne ressemblait en un point aux empires profanes qui furent dans leurs commencements des républiques pauvres. Ces républiques devinrent, avec le temps, de riches monarchies ; et ces monarchies perdirent quelques provinces qui redevinrent républiques.

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CHAPITRE CXXX.


Progrès du luthérianisme en Suède, en Danemark, et en Allemagne.


Le Danemark et toute la Suède embrassaient le luthéranisme, appelé la religion évangélique. (1523) Les Suédois, en secouant le joug des évêques de la communion romaine, écoutèrent surtout les motifs de la vengeance. Opprimés longtemps par quelques évêques, et surtout par les archevêques d’Upsal, primats du royaume, ils étaient encore indignés de la barbarie commise (1520), il n’y avait que trois ans, par le dernier archevêque, nommé Troll : cet archevêque, ministre et complice de Christiern II, surnommé le Néron du Nord, tyran du Danemark et de la Suède, était un monstre de cruauté, non moins abominable que Christiern ; il avait obtenu une bulle du pape contre le sénat de Stockholm, qui s’était opposé à ses déprédations aussi bien qu’à l’usurpation de Christiern : mais tout ayant été apaisé, les deux tyrans, Christiern et l’archevêque, ayant juré sur l’hostie d’oublier le passé, le roi invita à souper dans son palais deux évêques, tout le sénat, et quatre-vingt-quatorze seigneurs. Toutes les tables étaient servies : on était dans la sécurité et dans la joie, lorsque Christiern et l’archevêque sortirent de table ; ils rentrèrent un moment après, mais suivis de satellites et de bourreaux ; l’archevêque, la bulle du pape à la main, fit massacrer tous les convives. On fendit le ventre au grand-prieur de l’ordre de Saint-Jean de Jérusalem, et on lui arracha le cœur.