Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome11.djvu/67

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
47
DE BRAM, ABRAM, ABRAHAM.

Des savants ont cru que ce nom était indien parce que les prêtres indiens s’appelaient brames, brachmanes, et que plusieurs de leurs institutions ont un rapport immédiat à ce nom ; au lieu que, chez les Asiatiques occidentaux, vous ne voyez aucun établissement qui tire son nom d’Abram ou d’Abraham. Nulle société ne s’est jamais nommée abramique ; nul rite, nulle cérémonie de ce nom : mais, puisque les livres juifs disent qu’Abraham est la tige des Hébreux, il faut croire sans difficulté ces Juifs, qui, bien que détestés par nous, sont pourtant regardés comme nos précurseurs et nos maîtres.

L’Alcoran cite, touchant Abraham, les anciennes histoires arabes ; mais il en dit très-peu de chose : elles prétendent que cet Abraham fonda la Mecque.

Les Juifs le font venir de Chaldée, et non pas de l’Inde ou de la Bactriane ; ils étaient voisins de la Chaldée ; l’Inde et la Bactriane leur étaient inconnues. Abraham était un étranger pour tous ces peuples ; et la Chaldée étant un pays dès longtemps renommé pour les sciences et les arts, c’était un honneur, humainement parlant, pour une chétive et barbare nation renfermée dans la Palestine, de compter un ancien sage, réputé chaldéen, au nombre de ses ancêtres.

S’il est permis d’examiner la partie historique des livres judaïques, par les mêmes règles qui nous conduisent dans la critique des autres histoires, il faut convenir, avec tous les commentateurs, que le récit des aventures d’Abraham, tel qu’il se trouve dans le Pentateuque, serait sujet à quelques difficultés s’il se trouvait dans une autre histoire.

La Genèse, après avoir raconté la mort de Tharé, dit qu’Abraham son fils sortit d’Aran, âgé de soixante et quinze ans ; et il est naturel d’en conclure qu’il ne quitta son pays qu’après la mort de son père.

Mais la même Genèse dit que Tharé, l’ayant engendré à soixante et dix ans, vécut jusqu’à deux cent cinq ; ainsi Abraham aurait eu cent trente-cinq ans quand il quitta la Chaldée. Il paraît étrange qu’à cet âge il ait abandonné le fertile pays de la Mésopotamie pour aller, à trois cents milles de là, dans la contrée stérile et pierreuse de Sichem, qui n’était point un lieu de commerce. De Sichem on le fait aller acheter du blé à Memphis, qui est environ à six cents milles ; et dès qu’il arrive, le roi devient amoureux de sa femme, âgée de soixante et quinze ans.

Je ne touche point à ce qu’il y a de divin dans cette histoire, je m’en tiens toujours aux recherches de l’antiquité. Il est dit