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De mille mains l’éclatante industrie
De ces dehors orna la symétrie.
L’heureux pinceau, le superbe dessin
Du doux Corrège et du savant Poussin
Sont encadrés dans l’or d’une bordure ;
C’est Bouchardon[1] qui fit cette figure,
Et cet argent fut poli par Germain[2].
Des Gobelins l’aiguille et la teinture
Dans ces tapis surpassent la peinture.
Tous ces objets sont vingt fois répétés
Dans des trumeaux tout brillants de clartés.
De ce salon je vois par la fenêtre,
Dans des jardins, des myrtes en berceaux ;
Je vois jaillir les bondissantes eaux.
Mais du logis j’entends sortir le maître :
Un char commode, avec grâces orné,
Par deux chevaux rapidement traîné,
Paraît aux yeux une maison roulante,
Moitié dorée, et moitié transparente :
Nonchalamment je l’y vois promené ;
De deux ressorts la liante souplesse
Sur le pavé le porte avec mollesse.
Il court au bain : les parfums les plus doux
Rendent sa peau plus fraîche et plus polie[3].
Le plaisir presse ; il vole au rendez-vous
Chez Camargo, chez Gaussin[4], chez Julie ;
Il est comblé d’amour et de faveurs[5].
Il faut se rendre à ce palais magique[6]

  1. Fameux sculpteur, né à Chaumont en Champagne. (Note de Voltaire, 1748.)
  2. Excellent orfèvre, dont les dessins et les ouvrages sont du plus grand goût, (Id., 1748.) — Thomas Germain, né à Paris le 19 août 1674, y est mort le 14 août 1748. (B.)
  3. Voltaire avait d’abord mis :
    Rendent sa peau douce, fraîche et polie.
    Dans sa lettre à Tressan, du 9 décembre 1736, il donne la version actuelle comme meilleure : et cependant il a dit dans le chant Ier de la Pucelle, vers 139 (voyez tome IX, page 29) :
    Qui font la peau douce, fraîche et polie.
  4. L’une, danseuse à l’Opéra, et l’autre, actrice à la Comédie-Française.
  5. Variante :
    Le tendre amour s’enivre de faveurs.
  6. L’Opéra. (Note de Voltaire, 1739.)