Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome10.djvu/79

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Au doux sourire, aux regards enchanteurs,
Languissamment couchée entre des fleurs,
D’Amours badins, de Grâces entourée,
Et de plaisir encor tout enivrée.
Loin derrière elle étaient trois assistants,
Secs, décharnés, pâles et chancelants.
Le roi demande à son guide fidèle
Quelle est la nymphe et si tendre et si belle,
Et que font là ces trois vilaines gens ?
Son compagnon lui répondit : « Mon prince,
Ignorez-vous quelle est cette beauté ?
À votre cour, à la ville, en province,
Chacun l’adore, et c’est la Volupté.
Ces trois vilains, qui vous font tant de peine,
Marchent souvent après leur souveraine :
C’est le Dégoût, l’Ennui, le Repentir,
Spectres hideux, vieux enfants du Plaisir. »
L’Égyptien fut affligé d’entendre
De ce propos la triste vérité.
« Ami, dit-il, daignez aussi m’apprendre
Quelle est plus loin cette autre déité
Qui me paraît moins facile et moins tendre,
Mais dont l’air noble et la sérénité
Me plaît assez. Je vois à son côté
Un spectre d’or, une sphère, une épée,
Une balance ; elle tient dans sa main
Des manuscrits dont elle est occupée ;
Tout l’ornement qui pare son beau sein
Est une égide. Un temple magnifique
S’ouvre à sa voix, tout brillant de clarté ;
Sur le fronton de l’auguste portique
Je lis ces mots : À l’immortalité.
Y puis-je entrer ? — L’entreprise est pénible,
Repartit l’ange ; on a souvent tenté
D’y parvenir, mais on s’est rebuté.
Cette beauté, qui vous semble inflexible,
Peut quelquefois se laisser enflammer.
La Volupté[1], plus douce et plus sensible,

  1. Variante :
    Cette beauté qui paraît peu sensible,
    Fille du ciel, mère de tous les arts,