Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome10.djvu/625

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
615
TRADUCTIONS.

duis mes belliqueux Myrmidons au combat : car une nuée de Troyens environne les vaisseaux ; le danger augmente ; notre flotte est enfermée sur le bord de la mer dans un espace fort étroit, et la ville entière de Troie fond sur nous, pleine de confiance ; car les Troyens ne voient pas encore mon casque resplendissant ; ils auraient bientôt couvert nos fossés de leurs cadavres si le roi Agamemnon avait été plus doux envers moi ; mais à présent ils assiégent notre armée enfermée.

« La lance de Diomède, fils de Tydée, ne peut écarter la mort qui fond sur les Grecs. Je n’ai point entendu la voix du fils d’Atrée mon ennemi ; mais j’ai entendu la voix tonnante d’Hector, qui exhorte les Troyens ; ils répondent par des frémissements guerriers. Les vainqueurs sont dans tout notre camp. Mais qu’ainsi ne soit ; Patrocle, va chasser au loin cette peste ; attaque-les vaillamment ; qu’ils ne portent point la flamme dans nos vaisseaux ; qu’ils ne nous privent point d’un doux retour. Fais périr tous les Troyens, mais abstiens-toi d’attaquer Hector. Obéis à ma remontrance ; qu’elle soit présente à ton esprit : conserve-moi le grand honneur et la gloire que j’attends de tous les Grecs ; qu’ils me rendent la belle fille qu’on m’a enlevée, et qu’ils me fassent de riches présents.

« Dès que tu auras repoussé les ennemis des vaisseaux, reviens à moi, si tu veux que le tonnant mari de Junon te donne de la gloire. Ne cède point à l’ambition de combattre sans moi contre les belliqueux Troyens ; car tu m’exposerais à la honte. Ne te laisse point emporter à la chaleur du combat, en tuant les Troyens jusqu’aux murs d’Ilion, de peur que quelque dieu ne descende de l’éternel Olympe ; car Apollon, qui tire de très-loin, protège Troie. Reviens dès que tu auras mis en sûreté les vaisseaux. Laisse aller les Troyens dans la campagne. Plût à Dieu que le père Jupiter, et Minerve, et Apollon, nous livrassent tous les Troyens ! qu’aucun n’évitât la mort, et qu’aucun des Grecs n’échappât ! que nous évitassions la mort tous deux seuls, et que nous pussions tous deux seuls renverser les murs sacrés de Troie ! »

C’est ainsi qu’Achille et Patrocle parlaient ensemble. Ajax cependant ne pouvait plus résister. Il était accablé de traits. Les décrets de Jupiter et les illustres archers troyens l’oppressaient. Son casque brillant rendait un son terrible autour de ses tempes ; car il était frappé sans cesse sur les clous très-bien arrangés de son casque. Il repoussait les traits ennemis de l’épaule gauche, tenant toujours d’une main ferme son bouclier ; et les Troyens, qui le pressaient, ne pouvaient, à coups de javelots, le faire