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LA BÉGUEULE


CONTE MORAL[1]


(1772)


Dans ses écrits un sage Italien
Dit que le mieux est l’ennemi du bien[2] ;
Non qu’on ne puisse augmenter en prudence,
En bonté d’âme, en talents, en science ;
Cherchons le mieux sur ces chapitres-là ;
Partout ailleurs évitons la chimère.
Dans son état heureux qui peut se plaire,
Vivre à sa place, et garder ce qu’il a !

La belle Arsène en est la preuve claire.
Elle était jeune ; elle avait à Paris
Un tendre époux empressé de complaire
À son caprice, et souffrant son mépris.
L’oncle, la sœur, la tante, le beau-père,
Ne brillaient pas parmi les beaux esprits ;
Mais ils étaient d’un fort bon caractère.
Dans le logis des amis fréquentaient ;
Beaucoup d’aisance, une assez bonne chère ;
Les passe-temps que nos gens connaissaient,
Jeu, bal, spectacle, et soupers agréables,

  1. Les Mémoires secrets du 1er mai 1772 disent que ce conte circula sous le nom du R. P. Nonotte. Je n’ai vu aucune édition portant ce nom. C’est de ce conte que Favart a tiré sa Belle Arsène ; Beaunoir, né en 1746, mort en 1823, fit jouer, en 1775, sur le théâtre de Nicolet ou des grands Danseurs de corde du roi, l’Amant voleur, comédie en trois actes, non imprimée, dont le sujet est pris dans la Bégueule. MM. Brazier, Merle et Carmouche ont fait représenter, en 1826, sur le théâtre de la Portc-Saint-Martin, la Bégueule, ou la Princesse et le Charbonnier, vaudeville-féerie en deux actes, imprimé la même année. (B.)
  2. Voltaire cite le vers italien dans son article Art dramatique du Dictionnaire philosophique.