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LES TROIS MANIÈRES[1]


Que les Athéniens étaient un peuple aimable !
Que leur esprit m’enchante, et que leurs fictions
Me font aimer le vrai sous les traits de la fable !
La plus belle, à mon gré, de leurs inventions
Fut celle du théâtre, où l’on faisait revivre
Les héros du vieux temps, leurs mœurs, leurs passions.
Vous voyez aujourd’hui toutes les nations
Consacrer cet exemple, et chercher à le suivre.
Le théâtre instruit mieux que ne fait un gros livre[2].
Malheur aux esprits faux[3] dont la sotte rigueur
Condamne parmi nous les jeux de Melpomène !
Quand le ciel eut formé cette engeance inhumaine,
La nature oublia de lui donner un cœur.

Un des plus grands plaisirs du théâtre d’Athène
Était de couronner, dans des jeux solennels,
Les meilleurs citoyens, les plus grands des mortels :
En présence du peuple on leur rendait justice.
Ainsi j’ai vu Villars, ainsi j’ai vu Maurice[4],

  1. Voltaire, dans sa lettre à d’Argental, du 30 décembre 1763, dit être toujours occupé à faire des Contes de ma Mère l’Oie, et envoie une correction pour celui des Trois Manières ; voyez ci-après la note de la page 36. (B.)
  2. Voltaire a dit depuis, dans la Guerre civile de Genève, chant V (tome IX, page 547) :
    Mieux qu’un sermon l’aimable comédie
    Instruit les gens, les rapproche, les lie.
  3. Les jansénistes.
  4. Maurice de Saxe.