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188 LA TACTIQUE. [9]

Veut (lire le grand art, ou l'art par excellence^ ; Des plus nobles esprits il remplit tous les vœux. »

J'achetai sa Tactique, et je me crus heureux. J'espérais trouver l'art de prolonger ma vie, D'adoucir les chagrins dont elle est poursuivie. De cultiver mes goûts, d'être sans passion, D'asservir mes désirs au joug de la raison, D'être juste envers tous, sans jamais être dupe. Je m'enferme chez moi, je lis; je ne m'occupe Que d'apprendre par cœur un livre si divin. Mes amis! c'était l'art d'égorger son prochain.

J'apprends qu'en Germanie autrefois un hon prêtre -

��1. Tactique vient originairement du verbe tasso, j'arrange. Tactique est propre- ment l'art d'aller par rangs; c'est l'arrangement des troupes. C'est ce qui fit que Pyrrhus, en voyant le camp dos Romains, ne les trouva pas si barbares. {Note de Voltaire. 177?.)

2. On ne sait encore qui employa le premier les canons dans les batailles et dans les sièges. Une invention qjii a changé entièrement l'art de la guerre, dans toute la terre connue, méritait plus de recherches; mais presque toutes les ori- gines sont ignorées. Qui le premier inventa un bateau? qui imagina de plier une branche de frêne, de l'assujettir avec une corde faite d'un intestin d'animal, et d'y ajuster une verge garnie d'un os ou d'un fer pointu à un bout, et de quatre plumes à l'autre bout? qui inventa la navette, les fours, les moulins? De cette prodigieuse multitude d'arts qui secourent notre vie ou qui la détruisent, il n'y en a pas un dont l'inventeur soit connu. C'est que personne n'inventa Tart entier. Les architectes ne sont venus que des milliers de siècles après les cavernes et les huttes.

Les Chinois connaissaient la poudre inflammable, et la faisaient servir à leurs divertissements ingénieux, à leurs fôtes, deux mille ans avant que les jésuites Shall et Verhicst fondissent du canon pour les conquérants tartares, vers l'an 1630. Ce furent donc deux religieux allemands qui enseignèrent l'usage de l'artillerie dans cette vaste partie du monde, comme ce fut, dit-on, un autre Allemand, nommé Schwartz, ou moine noir, qui trouva le secret de la poudre inflammable au xiv* siècle, sans qu'on ait jamais su l'année do cette invention.

On a prétendu que Roger Bacon, moine anglais, antérieur d'environ cent années au moine allemand, était le véritable inventeur de la poudre. Nous avons rapporté ailleurs les paroles de ce Roger, qui se trouvent dans son Opus majus, page 45i, grande édition d'Oxford... « Nous avons une preuve des explosions subites dans ce jeu d'enfants qu'on fait par tout le monde. On enfonce du salpêtre dans une balle de la grosseur d'un pouce, et on la fait crever avec un bruit si violent qu'elle sur- passe le rugissement du tonnei're, et il en sort une plus grande exhalaison de feu, que celle de la foudre. »

11 y a bien loin sans doute de cotte petite boule de simple salpêtre à notre artil- lerie, mais elle a pu mettre sur la voie.

11 paraît qu'il est très-faux que les Anglais eussent employé le canon dans leur victoire de Crécy en 1346, et dans celle de Puitiers dix ans après. Les actes de la Tour do Londres, recueillis par Rymer, en diraient quelque chose.

Plusieurs de nos historiens ont assuré qu'il existe encore, dans la ville d'Amberg,

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