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LES CABALES. 181

Répara tous les maux qu'on nous fit à la ville. On est un peu fâché; mais qu'y faire?... Obéir. A quoi bon cabaler, quand * on ne peut agir?

— 3Iais, monsieur, des Capets les lois fondamentales, Et le grenier à sel, et les cours féodales,

Et le gouvernement du chancelier Duprat!

— Monsieur, je n'entends rien aux matières d'État; Ma loi fondamentale est de vivre tranquille.

La Fronde était plaisante -, et la guerre civile Amusait la grand'chaml)re et le coadjuteur. Barricadez-vous bien; je m'enfuis; serviteur. » A peine ai-je quitté mon jeune énergumène, Qu'un groupe de savants m'enveloppe et m'entraîne. D'un air d'autorité l'un d'eux me tire à part...

��1. Variante :

Lorsqu'on ne peut'agir.

2. La Fronde en effet était fort plaisante, si l'on ne regarde que ses ridicules. Le président Le Cogncux, qui chasse de chez lui son fils, le célèhrc Bachaumont, conseil- ler au parlement, pour avoir opiné en faveur de la cour, et qui fait mettre ses che- vaux dans la rue; Bachaumont qui lui dit : «Mon père, mes chevaux n'ont pas opiné, » et qui, de raillerie en raillerie, fait boire son père à la santé du cardinal Mazarin, proscrit par le parlement; le gentilhomme ami du coadjuteur qui vient pour le servir dans la guerre civile, et qui, trouvant un de ses camarades chez ce prélat, lui dit : « Il n'est pas juste que les deux plus grands fous du royaume servent sous le même drapeau, il faut se partager, je vais chez le cardinal Mazaiin ; » et qui en effet va de ce pas battre les troupes auxquelles il était venu se joindre : ce morne coadjuteur qui prêche, et qui fait pleurer des femmes; un de ses convives qui leur dit : « Mesdames, si vous saviez ce qu'il a gagné avec vous, vous pleureriez bien davantage ; » ce même archevêque qui va au parlement avec un poignard, et le peuple qui crie : « C'est son bréviaire ! » et toutes les expéditions de cette guerre méditées au cabaret, et les bons mots, et les chansons qui ne finissaient point; tout cela serait bon sans doute pour un opéra-comique. Mais les fourberies, les pillages, les rapines, les scélératesses, les assassinats, les crimes de toute espèce dont ces plaisanteries étaient accompagnées, formaient un mélange hideux des horreurs de la Ligue et des farces d'Arlequin. Et c'étaient des gens graves, des patres conscripti qui ordonnaient ces abominations et ces ridicules. Le cardinal de Retz dit, dans ses Mémoires, « que le parlement faisait par des arrêts la guerre civile, qu'il aurait condamnée lui-même par les arrêts les plus sanglants ».

L'auteur que je commente avait peint cette guerre de singes dans le Siècle de Louis XIV; un de ces magistrats qui, ayant acheté leurs charges quarante ou cin- quante mille francs, se croyaient en droit de parler orgueilleusement aux lettrés, écrivit à l'auteur que messieurs pourraient le faire repentir d'avoir dit ces vérités, quoique reconnues. Il lui répondit : « Un empereur de la Chine dit un jour à l'his- toriographe de l'empire: « Je suis averti que vous mettez par écrit mes fautes; trem- " blez. » L'historiographe prit sur-le-champ des tablettes. « Qu'osez-vous écrire là? << — Ce que Votre Majesté vient do me dire. » L'empereur se recueillit, et dit : u Écrivez tout, mes fautes seront reparées. » {Note de M. de Morza, 1772.)

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