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180 LES CABALES.

a Ce sont nos parlements dont il s'agit ici ;

Lequel préférez-vous? — Aucun d'eux, je vous jure.

Je n'ai point de procès, et, dans ma vie obscure,

Je laisse au roi mon maître, on pauvre citoyen,

Le soin de son royaume, où je ne prétends rien.

Assez de grands esprits, dans leur troisième étage,

N'ayant pu gouverner leur femme et leur ménage'.

Se sont mis, par plaisir, à régir l'univers.

Sans quitter leur grenier, ils traversent les mers;

Ils raniment l'État, le peuplent, l'enrichissent :

Leurs marchands de papiers sont les seuls qui gémissent.

Moi, j'attends dans un coin que l'imprimeur du roi

M'apprenne, pour dix sous, mon devoir et ma loi.

Tout confus d'un édit qui rogne mes finances ^

Sur mes biens écornés je règle mes dépenses;

Rebuté de Plutus, je m'adresse à Cérès;

Ses fertiles trésors ' garnissent mes guérets.

La campagne, en tout temps, par un travail utile.

��1. L'Europe est pleine de gens qui, ayant perdu leur fortune, veulent faire celle de leur patrie ou de quelque État voisin. Ils présentent aux ministres des mé- moires qui rétabliront les affaires publiques en peu de temps; et en attendant ils demandent une aumône qu'on leur refuse. Bois-Guillebert, qui écrivit contre le grand Colbert, et qui ensuite osa attriijuer sa Dixme royale au maréchal de Vau- ban, s'était ruiné. Ceux qui sont assez ignorants pour le citer encore aujourd'hui, croyant citer le maréchal de Vauban, no se doutent pas que, si on suivait ses beaux systèmes, le royaume serait aussi misérable que lui. Celui qui a imprimé le Moyen d'enrichir l'État, sous le nom du comte de Boulainvilliers, est mort à l'hô- pital. Le petit La Jonchère, qui a donné tant d'argent au roi en quatre volumes, demandait l'aumône. Telles sont les gens qui enseignent l'art de s'enrichir par le commerce après avoir fait banqueroute, et ceux qui font le tour du monde sans sortir de leur cabinet, et ceux qui, n'ayant jamais possédé une charrue, remplissent nos greniers de froment. D'ailleurs la littérature ne subsiste presque plus que d'in- fâmes plagiats ou de hbelles. Jamais cette profession si belle n'a été ni si univer- selle ni si avilie. {Note de M. de Morza, 1772.)

— Voltaire a confondu Bois-Guillebert et Vauban. L'ouvrage que Voltaire intitule Moyen d'enrichir l'État est probablement celui qui a pour titre Mémoires présentés au duc d'Orléans, régent de France, contenant les moyens de rendre ce royaume très-puissant, el d' augmenter considérablement les revenus du roi et du peuple, 1727, deux volumes in-12. Ces Mémoires sont réellement de Boulainvilliers. Quant à l'ou- vrage de La Jonchère, il est intitulé Système d'un nouveau gouvernement en France. Amsterdam, 1720, quatre volumes in-12. (B.)

2. Variante :

Et, docile à l'édit qui fixe mes finances,

Je règle sur mes biens mes plaisirs, mes dépenses.

3. Variante :

Ses fertiles bontés

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