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LE MAllSKILLOIS ET LE LION. 443

Il avait eu jadis un grand fonds de science; Et, pour devenir prêtre, il apprit du latin ; Il savait Rabelais et son saint Augustin'.

D'abord il établit, selon l'usage antique, Quel est le droit divin du pouvoir monarchique; Qu'au plus haut des degrés des êtres inégaux L'homme est mis pour régner sur tous les animaux - ;

��1. 11 est rapporte, dans l'histoire de l'Acadéniic, que I.a Fontaine demanda à uu docteur s'il croyait que saint Augustin eut autant d'esprit que Rabelais, et que le docteur répondit à La Fontaine: « Prenez garde, monsieur, vous avez mis un de vos bas à l'envers; » ce qui était vrai.

Ce docteur était un sot. 11 devait convenir que saint Augustin et Rabelais avaient tous deux beaucoup d'esprit, et que le curé de Meudon avait fait un mau- vais usage du sien. Rabelais était profondément savant, et tournait la science en ridicule. Saint Augustin n'était pas si savant; il ne savait ni le grec ni l'hébreu ; mais il employa ses talents et son éloquence à son respectable ministère. Rabelais prodigua indignement les ordures les plus basses; saint Augustin s'égara dans des explications mystérieuses que lui-même ne pouvait entendre. On est étonné qu'un orateur tel que lui ait dit, dans son sermon sur le psaume vi :

« Il est clair et indubitable que le nombre de quatre a rapport au corps humain, à cause des quatre cléments et dus quatre qualités dont il est composé : savoir, le chaud et le froid, le sec et l'humide; c'est pourquoi aussi Dieu a voulu qu'il fût soumis à quatre différentes saisons, savoir: l'été, le printemps, l'automne et l'hiver... Comme le nombre de quatre a rapport au corps, le nombre de trois a rapport à l'àme, parce que Dieu nous ordonne de l'aimer d'un triple amour, savoir; de tout notre cœur, de toute notre :ime, et de tout notre esprit.

« Lors donc que les deux nombres de quatre et de trois, dont le premier a rapport au corps, c'est-à-dire au vieil homme et au vieux Testament, et le second a rapport à l'âme, c'est-à-dire au nouvel homme et au nouveau Testament, sei'ont écoulés et passés, comme le nombre de sept jours passe et s'écoule, parce qu'il n'y a rien qui ne se fasse dans le temps et par la distribution du nombre quatre au corps, et du nombre trois à l'àme; lors, dis-jo, que ce nombre do sept sera passe, on verra arriver le huitième, qui sera celui du jugement. »

Plusieurs savants ont trouvé mauvais qu'en voulant concilier les deux généalo- gies différentes données à saint Joseph, l'une par saint Matthieu, et l'aqtre par saint Luc, il dise, dans son sermon 51 , « qu'un fils peut avoir deux pères, puisqu'un père peut avoir doux enfants ».

On lui a encore reproché d'avoir dit, dans son livre contre les manichéens, que les puissances célestes se déguisaient ;iiusi que les puissances infernales en beaux garçons et en belles filles pour s'accoupler ensemble, et d'avoir imputé aux mani- chéens cette théurgie impure, dont ils ne furent jamais coupables.

On a relevé plusieurs de ses contradictions. Ce grand saint était homme; il a SCS faiblesses, ses erreurs, ses défauts, comme les autres saints. Il n'en est pas moins vénérable, et Rabelais n'est pas moins un bouffon grossier, un ^impertinent dans les trois quarts de son livre, quoiqu'il ait été l'homme le plus savant de son temps, éloquent, plaisant, et doué d'un vrai génie. 11 n'y a pas sans doute de com- paraison à faire entre un père de l'Église très-vénérable et Rabelais, mais on peut très-bien demander lequel avait plus d'esprit; et un bas à l'envers n'est pas une réponse. {Note de Voltai7-e, 17G8.)

2. Dans le Spectacle de la nature, M. le prieur de Jonval, qui d'ailleurs est un

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