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[4oJ LE PAUVRE DIABLi:. 101

— Eh hicn, la robe est un métier prudent; Et cet air gauche et ce front de pédant Pourront encor passer dans les enquêtes : Vous ven-ez là de merveilleuses têtes!

Vite achetez un emploi de Caton,

Allez juger : êtes-vous riche? — Non,

Je n'ai plus rien, c'en est fait. — Vil atome!

Quoi ! point d'argent, et de l'ambition!

Pauvre impudent! apprends qu'en ce royaume

Tous les honneurs sont fondés sur le bien.

L'antiquité tenait pour axiome

Que rien n'est rien, que de rien ne vient rien '.

Du genre humain connais quelle est la trempe;

Avec de l'or je te fais président.

Fermier du roi, conseiller, intendant :

Tu n'as point d'aile, et tu veux voler! rampe.

— Hélas, monsieur, déjà je rampe assez. Ce fol espoir qu'un moment a fait naître, Ces vains désirs pour jamais sont passés: Avec mon bien j'ai vu périr mon être.

Né malheureux, de la crasse tiré, Et dans la crasse en un moment rentré, A tous emplois on me ferme la porte, Piebut du monde, errant, privé d'espoir, Je me fais moine, ou gris, ou blanc, ou noir, Rasé, barbu, chaussé, déchaux, n'importe. De mes erreurs, déchirant le bandeau, J'abjure tout ; un cloître est mon tombeau. J'y vais descendre; oui, j'y cours. — Imbécile, Va donc pourrir au tombeau des vivants. Tu crois trouver le repos ; mais apprends Que des soucis c'est l'éternel asile, Que les ennuis en font leur domicile. Que la discorde y nourrit ses serpents ; • Que ce n'est plus ce ridicule temps Où le capuce et la toque à trois cornes, Le scapulaire et l'impudent cordon. Ont extorqué des hommages sans bornes. Du vil berceau de son illusion,

1 . C'est ce qu'ont dit Lucrèce et Perse dans des vers que Voltaire cite ou rap- pelle souvent.

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