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ZULIME.

D’oublier pour jamais que ta fille est coupable,
Si ton cœur généreux pouvait se désarmer,
Chérir encor Zulime…

bénassar

Ah ! si je puis l’aimer !
Que me demandes-tu ? conçois-tu bien la joie
Du plus sensible père au désespoir en proie,
Qui, noyé si longtemps dans des pleurs superflus.
Reprend sa fille enfin quand il ne l’attend plus ?
Moi, ne la plus chérir ! Va, ma chère Zulime
Peut avec un remords effacer tout son crime ;
Va, tout est oublié, j’en jure mon amour :
Mais puis-je à tes serments me fier à mon tour ?
Zulime m’a trompé ! Quel cœur n’est point parjure ?
Quel cœur n’est point ingrat ?

ramire

Que le tien se rassure,
Atide est dans ces lieux ; Atide est, comme moi.
Du sang infortuné de notre premier roi[1] :
Nos captifs malheureux, brûlants du même zèle,
N’ont tout fait avec moi, tout tenté que pour elle ;
Je la livre en otage, et la mets dans tes mains.
Toi, si je fais un pas contraire à tes desseins,
Sur mon corps tout sanglant verse le sang d’Atide :
Mais si je suis fidèle, et si l’honneur me guide.
Toi-même arrache Atide à ces bords ennemis,
Appelle tous les tiens, délivre nos amis.
Le temps presse : peux-tu me donner ta parole ?
Peux-tu me seconder ?

bénassar

Je le puis, et j’y vole.
Déjà quelques guerriers, honteux de me trahir.
Reconnaissent leur maître, et sont prêts d’obéir.
Mais aurais-tu, Ramire, une âme assez cruelle
Pour abuser encor mon amour paternelle ?
Pardonne à mes soupçons.

ramire

Va, ne soupçonne rien ;
Mon plus cher intérêt s’accorde avec le tien.
Je te vois comme un père.

  1. Vers de Racine dans Esther, acte III, scène iv.