Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome04.djvu/340

Cette page n’a pas encore été corrigée

LE DUC DE FOIX

Je ne m’attendais pas à cette récompense.
Madame, ah ! croyez —moi, votre reconnaissance
Pourrait me tenir lieu de plus grands châtiments.
Non, vous n’ignorez pas mes secrets sentiments ;
Non, vous n’avez point cru qu’une autre ait pu me plaire.
Vous voulez, je le vois, punir un téméraire ;
Mais laissez-le à lui-même, il est assez puni.
Sur votre renommée, à vous feule asservi,
Je me crus fortuné pourvu que je vous visse ;
Je crus que mon bonheur était dans vos beaux yeux ;
Je vous vis dans Burgos, et ce fut mon supplice.
Oui, c’est un châtiment des Dieux,
D’avoir vu de trop près leur chef— d’œuvre adorable :
Le reste de la terre en est insupportable :
Le ciel est ; sans clarté, le monde est sans douceurs :
On vit dans l’amertume, on dévore ses larmes ;
Et l’on est malheureux auprès de tant de charmes,
Sans pouvoir être heureux ailleurs.

CONSTANCE

Quoi, je ferais la cause et l’objet de vos peines !
Quoi, Quoi, cette innocente beauté
Ne vous tenait pas dans ses chaînes !
Vous osez !

LE DUC DE FOIX

Cet aveu plein de timidité,
Cet aveu de l’amour le plus involontaire,
Le plus pur à la fois, et le plus emporté,
Le plus respectueux, le plus sûr de déplaire ;
Cet aveu malheureux peut-être a mérité
Plus de pitié que de colère.

CONSTANCE

Alamir, vous m’aimez !

LE DUC DE FOIX

Oui, dès longtemps ce cœur,
D’un feu toujours caché brûlait avec fureur ;
De ce cœur éperdu voyez toute l’ivresse ;
À peine encor connu par ma faible valeur,
Né simple cavalier, amant d’une Princesse,
Jaloux d’un Prince et d’un vainqueur,
Je vois le Duc de Foix amoureux, plein de gloire,
Qui, du grand Du Guesclin compagnon fortuné,