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Isménie

Vous pouvez l’espérer : déjà d’un pas rapide
Vos esclaves en foule ont couru dans l’Élide ;
La paix a de l’Élide ouvert tous les chemins.
Vous avez mis sans doute en de fidèles mains 
Ce dépôt si sacré, l’objet de tant d’alarmes.

Mérope

Me rendrez-vous mon fils, dieux témoins de mes larmes ?
Égisthe est-il vivant ? Avez-vous conservé
Cet enfant malheureux, le seul que j’ai sauvé ?
Écartez loin de lui la main de l’homicide.
C’est votre fils, hélas ! C’est le pur sang d’Alcide.
Abandonnerez-vous ce reste précieux
Du plus juste des rois, et du plus grand des dieux,
L’image de l’époux dont j’adore la cendre ?

Isménie

Mais quoi ! Cet intérêt et si juste et si tendre 
De tout autre intérêt peut-il vous détourner ?

Mérope

Je suis mère, et tu peux encor t’en étonner ?

Isménie

Du sang dont vous sortez l’auguste caractère
Sera-t-il effacé par cet amour de mère ?
Son enfance était chère à vos yeux éplorés ;  
Mais vous avez peu vu ce fils que vous pleurez.

Mérope

Mon cœur a vu toujours ce fils que je regrette ;
Ses périls nourrissaient ma tendresse inquiète ;
Un si juste intérêt s’accrut avec le temps.
Un mot seul de Narbas, depuis plus de quatre ans,  
Vint, dans la solitude où j’étais retenue,
Porter un nouveau trouble à mon âme éperdue :
Égisthe, écrivait-il, mérite un meilleur sort ;
Il est digne de vous et des dieux dont il sort :
En butte à tous les maux, sa vertu les surmonte :   
Espérez tout de lui, mais craignez Polyphonte.

Isménie

De Polyphonte au moins prévenez les desseins ;
Laissez passer l’empire en vos augustes mains.

Mérope

L’empire est à mon fils. Périsse la marâtre,
Périsse le cœur dur, de soi-même idolâtre,