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ACTE I, SCÈNE I.

Non, je ne puis penser sans honte et sans horreur
Que l’esclave Ramire a fait votre malheur.

zulime.

Ramire esclave !

MOHADIR.

Il Test, il était fait pour Petre :
Il naquit dans nos fers ; Bénassar est son maître.
N’est-il pas descendu de ces Goths odieux,
Dans leurs propres foyers vaincus par nos aïeux ?
Son père à Trézimène est mort dans l’esclavage,
Et la bonté d’un maître est son seul héritage.

ZULIME.

Ramire esclave ! lui ?

MOHADIR.

C’est un titre qui rend
Notre affront plus sensible, et son crime plus grand.
Quoi donc ? un Espagnol ici commande en maître I
A peine devant vous m’a-t-on laissé paraître ;
A peine ai-je percé la foule des soldats
Qui veillent à sa garde, et qui suivent vos pas.
Vous pleurez malgré vous ; la nature outragée
Déchire, en s’indignant, votre âme partagée.
A vos justes remords n’osez- vous vous livrer ?
Quand on pleure sa faute, on va la réparer.

ATIDE.

Respectez plus ses pleurs, et calmez votre zèle :
Il ne m’appartient pas de répondre pour elle ;
Mais je suis dans le rang de ces infortunés
Qu’un maître redemande, et que vous condamnez.
Je fus comme eux esclave, et de leur innocence
Peut-être il m’appartient de prendre la défense.
Oui, Ramire a d’un maître éprouvé les bienfaits ;
Mais vous lui devez plus qu’il ne vous dut jamais.
C’est Ramire, c’est lui dont l’étonnant courage,
Dans vos murs pris d’assaut et fumants de carnage,
Délivra votre émir, et lui donna le temps
De dérober sa tête au fer des Turcomans ;
C’est lui qui, comme un dieu veillant sur sa famille,
Ayant sauvé le père, a défendu la fille :
C’est par ses seuls exploits enfin que vous vivez.
Quel prix a-t-il reçu ? Seigneur, vous le savez.
Loin des murs tout sanglants de sa ville alarmée,