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Palmire.

N’en doutez pas, mon sang coulerait pour Séide.

Mahomet.

Vous l’aimez à ce point ?

Palmire.

Vous l’aimez à ce point ?Depuis le jour qu’Hercide
Nous soumit l’un et l’autre à votre joug sacré,
Cet instinct tout-puissant, de nous-même ignoré,
Devançant la raison, croissant avec notre âge,
Du ciel, qui conduit tout, fut le secret ouvrage.
Nos penchants, dites-vous, ne viennent que de lui.
Dieu ne saurait changer : pourrait-il aujourd’hui
Réprouver un amour que lui-même il fit naître ?
Ce qui fut innocent peut-il cesser de l’être ?
Pourrais-je être coupable ?

Mahomet.

Pourrais-je être coupable ?Oui. Vous devez trembler :
Attendez les secrets que je dois révéler ;
Attendez que ma voix veuille enfin vous apprendre
Ce qu’on peut approuver, ce qu’on doit se défendre.
Ne croyez que moi seul.

Palmire.

Ne croyez que moi seul.Et qui croire que vous ?
Esclave de vos lois, soumise, à vos genoux,
Mon cœur d’un saint respect ne perd point l’habitude.

Mahomet.

Trop de respect souvent mène à l’ingratitude.

Palmire.

Non, si de vos bienfaits je perds le souvenir,
Que Séide à vos yeux s’empresse à m’en punir !

Mahomet.

Séide !

Palmire.

Séide !Ah ! Quel courroux arme votre œil sévère ?

Mahomet.

Allez, rassurez-vous, je n’ai point de colère.
C’est éprouver assez vos sentiments secrets ;
Reposez-vous sur moi de vos vrais intérêts :
Je suis digne du moins de votre confiance.
Vos destins dépendront de votre obéissance.
Si j’eus soin de vos jours, si vous m’appartenez,
Méritez des bienfaits qui vous sont destinés.