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En tombant à tes pieds, fera fléchir le reste.
Mais ne perds point de temps.

Mahomet.

Mais ne perds point de temps.Mais, malgré mon courroux,
Je dois cacher la main qui va lancer les coups,
Et détourner de moi les soupçons du vulgaire.

Omar.

Il est trop méprisable.

Mahomet.

Il est trop méprisable.Il faut pourtant lui plaire ;
Et j’ai besoin d’un bras qui, par ma voix conduit,
Soit seul chargé du meurtre et m’en laisse le fruit.

Omar.

Pour un tel attentat je réponds de Séide.

Mahomet.

De lui ?

Omar.

De lui ?C’est l’instrument d’un pareil homicide.
Otage de Zopire, il peut seul aujourd’hui
L’aborder en secret, et te venger de lui.
Tes autres favoris, zélés avec prudence,
Pour s’exposer à tout ont trop d’expérience ;
Ils sont tous dans cet âge où la maturité
Fait tomber le bandeau de la crédulité ;
Il faut un cœur plus simple, aveugle avec courage,
Un esprit amoureux de son propre esclavage :
La jeunesse est le temps de ces illusions.
Séide est tout en proie aux superstitions ;
C’est un lion docile à la voix qui le guide.

Mahomet.

Le frère de Palmire ?

Omar.

Le frère de Palmire ?Oui, lui-même, oui, Séide,
De ton fier ennemi le fils audacieux,
De son maître offensé rival incestueux.

Mahomet.

Je déteste Séide, et son nom seul m’offense ;
La cendre de mon fils me crie encor vengeance :
Mais tu connais l’objet de mon fatal amour ;
Tu connais dans quel sang elle a puisé le jour.
Tu vois que dans ces lieux environnés d’abîmes
Je viens chercher un trône, un autel, des victimes ;