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Scène II.

PALMIRE, SÉIDE, OMAR.
Omar.

Vos fers seront brisés, soyez pleins d’espérance ;
Le ciel vous favorise, et Mahomet s’avance.

Séide.

Lui ?

Palmire.

Lui ?Notre auguste père ?

Omar.

Lui ? Notre Auguste père ?Au conseil assemblé
L’esprit de Mahomet par ma bouche a parlé.
« Ce favori du dieu qui préside aux batailles,
Ce grand homme, ai-je dit, est né dans vos murailles.
Il s’est rendu des rois le maître et le soutien,
Et vous lui refusez le rang de citoyen !
Vient-il vous enchaîner, vous perdre, vous détruire ?
Il vient vous protéger, mais surtout vous instruire :
Il vient dans vos cœurs même établir son pouvoir. »
Plus d’un juge à ma voix a paru s’émouvoir ;
Les esprits s’ébranlaient : l’inflexible Zopire,
Qui craint de la raison l’inévitable empire,
Veut convoquer le peuple, et s’en faire un appui.
On l’assemble ; j’y cours, et j’arrive avec lui :
Je parle aux citoyens, j’intimide, j’exhorte ;
J’obtiens qu’à Mahomet on ouvre enfin la porte.
Après quinze ans d’exil, il revoit ses foyers ;
Il entre accompagné des plus braves guerriers,
D’Ali, d’Ammon, d’Hercide, et de sa noble élite ;
Il entre, et sur ses pas chacun se précipite ;
Chacun porte un regard, comme un cœur différent :
L’un croit voir un héros, l’autre voir un tyran.
Celui-ci le blasphème, et le menace encore ;
Cet autre est à ses pieds, les embrasse, et l’adore.
Nous faisons retentir à ce peuple agité
Les noms sacrés de dieu, de paix, de liberté.
De Zopire éperdu la cabale impuissante
Vomit en vain les feux de sa rage expirante.