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Cunégonde, le capitaine Candide, et la vieille, allèrent chez le gouverneur don Fernando d’Ibaraa, y Figueora, y Mascarenes,y Lampourdos, y Souza. Ce seigneur avait une fierté convenable à un homme qui portait tant de noms. Il parlait aux hommes avec le dédain le plus noble, portant le nez si haut, élevant si impitoyablement la voix, prenant un ton si imposant, affectant une démarche si altière, que tous ceux qui le saluaient étaient tentés de le battre. Il aimait les femmes à la fureur. Cunégonde lui parut ce qu’il avait jamais vu de plus beau. La première chose qu’il fit fut de demander si elle n’était point la femme du capitaine. L’air dont il fit cette question alarma Candide : il n’osa pas dire qu’elle était sa femme, parcequ’en effet elle ne l’était point ; il n’osait pas dire que c’était sa sœur, parcequ’elle ne l’était pas non plus ; et quoique ce mensonge officieux eût été autrefois très a la mode chez les anciens[1], et qu’il pût être utile aux modernes, son âme était trop pure pour trahir la vérité. Mademoiselle Cunégonde, dit-il, doit me faire l’honneur de m’épouser, et nous supplions votre excellence de daigner faire notre noce.

Don Fernando d’Ibaraa, y Figueora, y Mascarenes, y Lampourdos, y Souza, relevant sa moustache, sourit amèrement, et ordonna au capitaine Candide d’aller faire la revue de sa compagnie. Candide obéit ; le gouverneur demeura avec mademoiselle Cunégonde. Il lui déclara sa passion, lui protesta que le lendemain il l’épouserait à la face de l’Église, ou autrement, ainsi qu’il plairait à ses charmes.

  1. Voyez l’article ABRAHAM, tome XXVI, page 48. B.