Page:Vogüé - Jean d Agrève, 1898.djvu/75

Cette page n’a pas encore été corrigée
71
aube.

sans aucune des minauderies, des plaisanteries enjouées par lesquelles les femmes sauvent l’embarras de pareilles demandes.

— Comment ? Ce n’est pas encore fait ? — Notre hôte appela d’un signe l’officier, éloigné de quelques pas, occupé comme moi à dévisager la jeune femme. — Arrivez, mon cher, vous avez l’heur d’être réclamé par Madame…

L’amiral prononça un nom étranger qui me mit sur la voie.

— Vous mériteriez les arrêts de rigueur pour avoir tant tardé. Je vous consigne à ces dames. Faites-leur les honneurs de mon bord et de mon goûter.

Jean s’inclina avec le salut glacial qui lui était habituel quand on forçait à l’improviste son intimité. Lui aussi, cependant, tandis qu’il faisait ces deux pas, il me parut porté par une Force étrangère et dominatrice. Oui ; si d’aventure, dans ce calme soir, un violent coup de mer eût brusquement secoué le navire et jeté ces deux êtres l’un contre l’autre, je n’aurais pas eu plus réellement la sensation d’une puissance élémentaire jouant avec ces faibles atomes. Lui aussi, — pourquoi ai-je remarqué ce détail ? — il frôla de ses doigts