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midi.

vous regretterez… Vous vous lasserez vite de votre morne petite sauvage. Cependant, vous aimez ma grande sœur la mer : elle est monotone aussi, elle redit toujours la même plainte, et vous avez dormi volontiers dans le lit triste où elle vous berçait. Je sais maintenant pourquoi elle m’attirait, cette mer, pourquoi j’ai tant désiré m’engloutir dans le calme tombeau bleu. Elle vous apportait, elle est votre chose, ses vagues sont faites de toutes vos pensés répandues. C’est votre voix que j’entendais dans son chuchotement nocturne, votre souffle que je sentais dens son haleine, votre approche dans ses caresses sur mes membres. Je l’aime et je la crains, ma rivale la mer : c’est la voleuse qui vous emportera, le chemin par où vous me fuirez, quand vous aurez assez de moi. Déjà des épouvantes me viennent, à regarder ces vaisseaux ancrés aux Salins ; je suis allée vous prendre à bord de l’un d’eux, ils vous reprendront. Hier soir, ils se sont éloignés pour quelque manœuvre ; je tremblais ; j’étais sûre qu’ils vous emmenaient. Oh ! jurez-moi que vous n’êtes pas à Toulon pour préparer un départ ! Ce serait trop affreux, ce bonheur à peine entrevu, disparaissant comme la voile qui se montre