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jean d’agrève.

je ne suis pas. Si je suis ici quelque part, c’est dans les arbres et dans les fleurs de ce jardin, seuls objets participant de ma vie. Je n’ai jamais été chez moi dans les maisons où le hasard m’a retenue prisonnière, parce que je n’y ai pas aimé ni été aimée. Je me sentirai chez moi, pour la première fois, dans le lieu où j’aimerai et serai aimée.

Je commence à lire en elle, et je ne m’étonne point que le monde ne la déchiffre pas. Cette femme dit vrai, le monde n’existe pas pour elle. Hélène en est séparée par une impuissance organique à s’assimiler des éléments qui ne sont pas les siens, par un invincible redressement de la plante sauvage qu’elle est contre des formes de culture où elle ne peut pas se ployer. Combien je retrouve en elle de mon moi de vingt ans ! Sans affectation ni parti pris, elle demeure aussi réfractaire que pourrait l’être l’habitante d’une autre planète à tout ce qui constitue notre vie actuelle : soucis, plaisirs, curiosités, opinions, règles reçues, encombrements du cerveau et divertissements du cœur. Elle est tout amour et tout intuition de la nature, des beautés apparentes comme des lois permanentes et secrètes de cette nature. Son âme