Page:Vivien - Une femme m’apparut, 1904.djvu/236

Cette page a été validée par deux contributeurs.
249
UNE FEMME M’APPARUT…

— Tant pis pour vous, vous ne serez jamais poète. Jamais un poète ne fut heureux. Je ne dis point cela pour moi, » se reprit-elle avec quelque tristesse. « Je ne me suis jamais arrogé ce titre sacré, auquel je n’ai aucun droit véritable. On n’est, d’ailleurs, ni poète ni saint de son vivant. Mais vous ne serez point poète dans la mort, puisque vous n’avez point su aimer.

— J’ai aimé jusqu’à la limite de mes forces, » me défendis-je. « Nul n’a le droit d’en demander davantage à un être humain. Le terrible : Tout ou rien d’Ibsen, je l’ai accepté joyeusement… Plus tard, je m’épuisai et je renonçai à la lutte vaine. Comme Dante, j’ai erré dans la nuit d’orage, et j’ai frappé aux portes du monastère en implorant la paix… Une Moniale ouvrit pour moi le sanctuaire où mon âme fut divinement consolée. »

San Giovanni ne m’écoutait que distraitement.

« Dagmar revenait du traditionnel et imbécile voyage d’hymen lorsque je l’ai rencontrée, » dit-elle. « Elle m’a demandé si vous gardiez contre