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UNE FEMME M’APPARUT…

Je l’aurais sauvée en me sauvant moi-même. Je l’aurais emportée afin de la contempler dans l’Infini. Je garderais à travers l’éternité son cri d’effroi, — le seul cri sincère que j’eusse recueilli sur ses lèvres de mensonge, — et sa vaine prière. Elle ne connaîtrait point le remords d’avoir failli à soi-même. Elle ne connaîtrait point les lendemains de grâce, les empreintes caricaturales du Temps sur la statue humaine. Elle serait la Beauté que la Mort éternise dans un sourire. Elle ne pleurerait ni sur les autres ni sur elle-même. Et peut-être ressentirait-elle une gratitude compréhensive à l’égard de l’être qui l’aimait assez noblement pour la tuer.

La porte s’ouvrit avec lenteur… Elle allait paraître, mon rêve s’accomplissait… Et je m’avançai, mes mains crispées dans le geste de la strangulation… Ce serait si vite accompli, et après… et après…

San Giovanni entra. Elle ne vit point mes yeux hallucinés, car ses yeux à elle étaient remplis de larmes.