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LE SECRET DE LA REINE CHRISTINE

La voix d’airain de Christine s’était adoucie. Puis, se penchant vers son amie :

— Tu pleures, Ebba ? Allons ! Ne te laisse pas attendrir par ces vieilles histoires. Nous n’avons ni l’une ni l’autre, le cœur brisé, n’est-ce pas ? Il fait beau, nous sommes jeunes, libres… encore libres, tu es belle. Et moi…

— Tu l’es plus encore que moi, Christine !

— Petite flagorneuse ! Souris-moi !… Bien !

— Comme tu es bonne, Christine !

— Tu devines donc combien je suis anxieuse de connaître le fils préféré de la belle comtesse, le grand, le seul amour de mon père… S’il a les traits et les cheveux blonds de sa mère, il tient, dit-on, de ses ancêtres languedociens la souplesse de l’esprit et une éloquence sans égale. De tous les pays qu’il a visités, c’est la patrie de sa famille, la France, qu’il préfère.

— Comme toi, Christine.

— Écoute ! N’entends-tu pas un galop de chevaux ? C’est bien vers le château que les cavaliers se dirigent. Allons voir !

Et le traîneau, s’envola. Non loin de la rive, Christine, gardant les yeux fixés sur la route qui longeait le lac et où, sortant de la forêt, allaient déboucher les chevaux, dont on entendait sonner les sabots, heurta du pied une souche emprisonnée dans la glace et entraînée par la vitesse, alla tomber rudement à quelques mètres de là.

Elle poussa un petit cri, puis demeura étendue, immobile et pâle. Ebba qui s’était dégagée du traîneau, s’agenouilla auprès de sa maîtresse et la voyant toujours sans connaissance, une traînée de sang au front, s’épouvanta et appela à l’aide.

Un cavalier venait de surgir sur la route. Il sauta lestement de sa monture, regarda d’où venaient les appels, descendit le haut talus d’un trait et accourut en quelques bonds puissants et légers.

Christine, qui avait recouvré les sens, mais non le mouvement, le regardait venir entre ses cils mi-clos. Comme il paraissait grand, ainsi vu d’en bas ! Et quelles proportions parfaites, — les épaules larges, la taille mince et cambrée, les jambes longues, — quelle grâce, quelle aisance dans l’allure ! Un Apollon ! Quelle différence