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envoyaient leurs sagettes en l’air ; celles-ci, décrivant une parabole, retombaient verticalement de tout leur poids sur les troupes, les blessaient aux épaules, au visage, aux bras. Ces archers avaient acquis dans ce mode de tir une grande adresse et savaient assez calculer leurs distances pour être assurés de faire tomber leurs projectiles sur un point donné. Pendant la même bataille d’Hastings, lorsque la victoire est indécise encore, après six heures de lutte, les archers normands s’apercevant que leurs flèches ne produisent pas grand effet sur les troupes saxonnes bien couvertes de leurs écus et de leurs mailles, délibérèrent entre eux :


« Normanz archiers ki ers tencient,
« As Engleiz mult espez tracint,
« Mais de loz escuz se covreient,
« Ke en char férir nes’poeint ;
« Ne por viser, ne por bien traire,
« Ne lor poeient nul mal faire.
« Cunseil pristrent ke halt traireient ;
« Quant li saetes descendreient,
« Desoz loz testes dreit charreient,
« Et as viaires les ferreient.
« Cel cunseil ont li archier fait,
« Sor li Engleis nut en halt trait ;
« Quant li saetes reveneient,
« Desoz les testes loz chaicient,
« Chiés è viaires[1] loz perçoent,
« Et à plusors les oils crevoent ;
« Ne n’osoent les oilz ovrir,
« Ne lor viaires descovrir[2]. »


La figure 1 donne un de ces archers normands d’après la tapisserie de Bayeux[3]. Cet archer est vêtu à la légère ; son carquois est attaché à sa ceinture, du côté droit. Il fallait que l’archer pût se transporter rapidement d’un point à un autre, son équipement devait être léger. Dans des manuscrits du xe siècle, dont les vignettes sont dues à des artistes occidentaux, on voit figurer des arcs dont la forme est indiquée dans la figure 2. Ces arcs à contre-courbe ne paraissent pas avoir eu plus de 1m, 50 de longueur. Ils n’étaient flexibles qu’aux deux branches a, b, et la corde attachée aux deux extrémités était presque tangente à la poignée. Ces extrémités

  1. « Têtes et visages. »
  2. Roman de Rou, vers 13275 et suiv.
  3. Cette tapisserie, connue on sait, n’appartient pas a l’époque de la descente de Guillaume en Angleterre, mais est un peu postérieure a cette date.