Page:Viollet-le-Duc - Dictionnaire raisonné du mobilier français de l'époque carlovingienne à la Renaissance (1873-1874), tome 5.djvu/430

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
[ ÉPÉE ]
— 396 —

cannelure finit en pointe vers le milieu de lame, qui alors ne représente plus que la section quadrangulaire. Cette épée étant longue et large, la cannelure l'allégissait un peu.

Il y avait des fabriques renommées d’alemelles d’épées, à Verdun, à Poitiers, à Bordeaux, dans plusieurs villes d’Allemagne, notamment à Vienne ; à Milan. Les épées italiennes devinrent fort à la mode à la fin du xve siècle, au moment des campagnes de Charles VIII. Par leur forme, elles ne différaient pas de celles portées par la gendarmerie française ; mais c’était d’Italie que venaient les armes de luxe, et il faut dire qu’elles étaient merveilleusement forgées et ciselées. Il suffit de visiter le musée des armes de Turin pour se convaincre de la délicatesse du travail des armes de main de la fin du xve siècle, dans le nord de l’Italie. Cependant aucune épée de cette époque, que nous sachions, n’atteint en beauté celle qui est entre les mains de la statue du roi Arthus, du monument de Maximilien à Innsbrück[1]. La planche VII donne la poignée de cette épée à deux mains. En A, est une des frettes du fourreau, et en B son extrémité. Une épaisse chape supérieure du fourreau enveloppe les quillons. Les prises des deux mains sont séparées par une bague ornée de perles ; des perles couvrent également ces deux prises. Le baudrier est composé d’une étoffe pelucheuse sur laquelle courent des chaînes retenues de distance en distance par des médaillons de métal. Des pierreries et des perles sont semées entre ces médaillons. Les doigts du gantelet sont enveloppés de peau ; les premières phalanges et le dos de la main sont garnis de lames d’acier à recouvrement (voy. Gantelet).

Il nous reste à parler des épées en usage chez les gens de pied. Jusqu’au milieu du xve siècle, les piétons (coutilliers) n’avaient que des épées assez courtes. Les archers et arbalétriers seuls en portaient dont la lame atteignait environ 80 centimètres de longueur, et souvent les quillons de ces épées, vers la première moitié du xve siècle, étaient chevauchés, l’un renversé sur la lame et l’autre sur la poignée (fig. 24[2]). L’un de ces quillons servait à engager l’arme de l’adversaire, l’autre à garantir les doigts. Ces épées étaient fortes, à tranchants droits et à section quadrangulaire, parfois avec une cannelure d’un seul côté (voyez en A la section au talon). Hormis cette particularité, les épées ressemblaient de tout point,

  1. Cette statue, fondue sur cire perdue, est due a un artiste italien : c’est une œuvre merveilleuse de beauté.
  2. Manuscr. Biblioth. nation., Froissart, français (milieu du xve siècle) (voy. Dague).