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[ DOSSIÈRE ]
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à cette heure, d’une ordonnance, ministérielle pour faire prendre à toute une arme certaine partie d’habillement de guerre qui n’est pas toujours l’expression d’un besoin. Les choses ne se passaient point de la sorte autrefois, et les modifications que subissait l’armement n’étaient que la conséquence de l’expérience acquise par chacun. Or le haubert de mailles ou la broigne étant l’habillement de corps usité chez les gens d’armes, on reconnut bientôt que ce vêtement ne préservait pas suffisamment le cavalier des coups d’estoc et surtout des coups de hache et de masse ; on ajouta au haubert les ailettes pour garantir les épaules. L’écu préservait la poitrine, si l’homme d’armes savait le manier ; mais dans les mêlées, lorsque la cavalerie fournissait une charge, il arrivait que l’adversaire, se dérobant, prenait en flanc ou à revers les cavaliers qui faisaient une trouée ; alors tombait-il dessus, à grands coups de masse, la lance ne pouvant pas servir en pareille occurrence. Ceux qui venaient ainsi à la rescousse adressaient leurs coups sur les reins des hommes d’armes qui étaient parvenus à se frayer passage au milieu d’un escadron. Cette manœuvre nous fut plus d’une fois fatale, notamment à Crécy. Nos ennemis attendaient rarement une charge de la gendarmerie française, ils se contentaient de lui opposer des archers postés en tirailleurs, avec pieux aiguisés devant chacun d’eux, et ils divisaient leur cavalerie en petits pelotons entremêlés de coutilliers. Une charge à fond avait bien vile raison de ces petits corps qui n’avaient point de consistance ; mais des réserves de cavalerie disposées sur les ailes tombaient à bride abattue sur ces escadrons compactes qui renversaient tout sur leur passage, les prenaient en flanc, à revers même, et les accablaient sous les coups de masse, de hache ou de plomée. Les hommes d’armes à cheval, la tête couverte du heaume, ne manœuvraient point avec l’aisance de notre cavalerie légère ; une fois lancés dans une direction, surtout en masse compacte, ils se déployaient difficilement à droite et à gauche. Si braves qu’ils fussent, ils étaient donc écrasés sans pouvoir se servir de leurs armes. Ce ne fut qu’après les funestes batailles de Crécy et de Poitiers que notre gendarmerie reconnut les défauts de sa tactique, et qu’en la modifiant sur quelques points, elle apporta des changements sérieux à l’habillement. On songea à garantir les flancs et le dos du cavalier : on adjoignit les braconnières à l’habillement du torse ; braconnières qui recouvraient le troussequin de la selle, et en plastronnant fortement les épaules, la poitrine et les omoplates, on garnit les reins d’une plaque de fer qui s’élevait jusqu’au milieu de la colonne dorsale ; plaque munie à son extré-