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dans l’épaisseur ; et de fait, la brigantine ou brigandine est un vêtement de guerre dérivé de la broigne ou du gambison, et n’est admise, dans la forme que nous lui connaissons, que vers la fin du xive siècle. Plus légère que le corselet, préservant mieux des coups et des traits que le haubert, moins chère que n’étaient ces deux sortes d’habillements, la brigantine fut adoptée non-seulement par les gens de pied, mais aussi par les hommes d’armes en bien des cas. Elle couvrait entièrement le torse, les hanches et souvent les bras, et était lacée, boutonnée ou agrafée par devant ou sur les côtés. La brigantine se composait d’un pourpoint de forte toile ou de peau à l’intérieur, et d’une enveloppe de velours ou de forte étoffe de soie à l’extérieur, avec lames d’acier disposées comme des feuilles de jalousies entre les deux étoffes ; des rivets maintenaient le tout ensemble. Les têtes rondes ou bossettes de ces rivets, dorées ou argentées, ou simplement étamées ou faites de laiton, complétaient le vêtement, et, étant très-rapprochées, empêchaient les coups de taille de couper l’étoffe. Une brigantine bien faite résistait parfaitement aux traits, flèches ou carreaux d’arbalète ; elle permettait les mouvements du corps et des bras, et était d’un prix inférieur à celui des hauberts et corselets, ces derniers surtout étant fort chers lorsque l’on commença à en faire usage.

Dès 1395, on voit des gens de pied revêtus de larges brigantines à manches avec camail (fig. 1)[1].

Ce vêtement militaire se rapproche beaucoup du gambison. Il est fait de double peau piquée, avec lames d’acier entre deux, et est attaché par devant avec des courroies. Les manches sont bouclées, étant trop justes pour être facilement passées. Un camail de même façon couvre les épaules. Le chapel de fer affecte une forme peu usitée. Les jambes sont armées de genouillères et de grèves.

Le musée d’artillerie de Paris conserve deux beaux spécimens de brigantines : l’un date du milieu, l’autre de la fin du xve siècle. Le premier (fig. 2) se compose de lames d’acier, comme il a été dit plus haut, disposées à recouvrement, préservant la poitrine, le dos et les hanches. Sur ces lames d’acier était fixé, à l’extérieur, un revêtement de velours très-fort, et dessous, à l’intérieur, une peau épaisse ou une toile en double. En A, la brigantine est montrée par devant, le velours ne recouvrant que la moitié du vêtement, pour laisser voir les lames d’acier interposées. En B, la brigantine est vue par derrière, avec et sans le revêtement de velours. Le devant

  1. Manuscr. Biblioth. nation., Tite-Live, français (1395 environ).