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Ainsi que ces François et Bretons estudioient et ymaginoient comment et par quel tour à leur plus grant avantage les Anglois envaïr et assaillir ilz pourroient, et vecy monseigneur Jehan Chandos et sa route, banniere desploiée tout ventelant, qui estoit d’argent à un pel aguisié de gueules, laquelle Jacques Alery, uns bons homs d’armes portoit, et povoient estre environ quarante lances, qui approucherent durement les François. Et ainsi que les Anglois estoient sur un tertre, espoir trois bonniers de terre en sus du pont, les garçons des François qui les apperceurent, et qui se tenoient entre le pont et ledit tertre, furent tous effraiez et dirent : « Alons ! Alons nous en ! Vecy Chandos. Sauvons nous et nos chevaulx. » Si s’en partirent et fuirent et laissierent là leurs maistres.

Quant messire Jeban Chandos fu là venus jusques à eulx, sa baniere devant lui, si n’en tist pas trop grant compte, car petit les prisoit et amoit, et tout à cheval les commença à ramposner en disant : « Entre vous, François, si estes malement bonnes gens d’armes. Vous chevauchez à vostre aise et à votre voulenté, de nuit et de jour. Vous prennez villes et forteresses en Poitou, dont je suis séneschal ; vous raençonnez povres gens sans mon congié ; vous chevauchiez partout à ceste armée : il semble que le païs soit tout vostre, et par Dieu non est. Messire Loys, messire Loys, et vous, Carlouet, vous estes maintenant trop grans maistres ! Il y a plus d’un an et demy que j’ay mis toutes mes ententes que je vous peusse trouver ou encontrer. Or vous voy-je, Dieu merci, et parlerons à vous et saurons lequel est le plus fort en ce païs, ou je, ou vous. On m’a dit et compté par pluseurs fois que vous me desiriez à veoir : si m’avez trouvé. Je suis Jean Chandos. Se bien me ravisez voz grans appertises d’armes, qui sont maintenant si renommées, se Dieu plaist, nous les esprouverons. » Ainsi et de telz langages les recueilloit messire Jehan Chandos, qui ne voulsist nulle part estre fors que là : tant les desiroit-il à combatre !

Messire Loys et Carlouet se tenoient tous quois, ainsi que tous confortez qu’ilz seroient combatus, et riens n’en savoient messire Thomas de Persy et les Anglois qui de là le pont estoient : car le pont de Lanzac est hault, à boce ou milieu, et ce la leur en tolloit la veue.

Entre ces ramposnes et paroles de messire Jehan Chandos, qu’il faisoit et disoit aux François, un breton prist son glaive[1] et ne se pot abstenir de commencier meslée, et vint assener à un escuier

  1. « Sa lance. »